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OU LE TUEUR DE DAIMS.

revenant ensuite trouver ses amis, il prit sa place dans la pirogue, qui s’éloigna de l’arche au même instant.

S’il y avait eu un temple élevé à Dieu dans cette solitude profonde, l’horloge aurait sonné minuit lorsque nos aventuriers partirent pour leur expédition. L’obscurité avait augmenté, mais le ciel était pur, et la clarté des étoiles suffisait aux projets des trois compagnons d’entreprise. Hutter connaissait les endroits où les deux pirogues étaient cachées, et il indiquait la route, tandis que les deux autres maniaient leurs rames avec la plus grande circonspection, de peur que, dans le silence de la nuit, le moindre bruit ne fût porté à travers cette nappe d’eau tranquille jusqu’aux oreilles de leurs ennemis. Mais l’esquif était trop léger pour exiger des efforts extraordinaires, et la dextérité remplaçant la force, au bout d’une demi-heure ils approchèrent du rivage sur une pointe à environ une lieue du château.

— Cessez de ramer, mes amis, dit Hutter à voix basse, et regardons un instant autour de nous. Il faut que nous soyons tout yeux et tout oreilles ; car ces reptiles ont des nez comme des limiers.

Le rivage fut examiné soigneusement pour découvrir quelque reste de lumière qui aurait pu avoir été laissé dans le camp des ennemis, et tous les yeux firent les plus grands efforts pour s’assurer si un fil de fumée partant d’un feu presque éteint, s’élevait le long de la rampe des montagnes. Ils n’aperçurent rien d’extraordinaire ; et comme ils étaient à une assez grande distance du Susquehannah, c’est-à-dire de l’endroit où l’on avait trouvé les sauvages, ils crurent pouvoir débarquer sans danger. Les deux jeunes gens reprirent les rames, et firent avancer doucement la pirogue, qui toucha sur les sables du rivage presque sans aucun bruit. Hutter et Hurry débarquèrent sur-le-champ, le premier portant son mousquet et celui de son compagnon, et ils laissèrent à Deerslayer le soin de la pirogue. Le tronc creux était à peu de distance sur la rampe d’une montagne ; le vieux Tom marchait le premier pour montrer le chemin à son compagnon, et il avait la précaution de s’arrêter tous les trois ou quatre pas pour écouter si nul son n’annonçait la présence d’un ennemi. Le même silence continuait à régner, et ils arrivèrent à l’endroit désiré sans avoir eu le moindre sujet d’alarme.

— Nous y voici, dit tout bas Hutter en appuyant le pied sur le tronc d’un gros tilleul étendu par terre. Ôtez d’abord les morceaux d’écorce, et retirez ensuite la pirogue sans bruit, car ces coquins pourraient l’avoir laissée comme un appât.