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DEERSLAYER

aussi bien que moi, et quand nous n’avons pas d’ennemis à craindre, nous n’avons pas de peine à remonter la rivière.

— Mais que gagnerons-nous à changer de position, maître Hutter ? demanda Deerslayer d’un air très-sérieux. Nous sommes en sûreté derrière cet abri, et, de l’intérieur de la cabine, on peut faire une vigoureuse défense. Je ne connais les combats que sous la forme de tradition ; mais il me semble qu’avec de pareilles palissades devant nous, nous pouvons mettre en fuite une vingtaine de Mingos.

— Oui, oui, vous ne connaissez les combats que sous la forme de tradition ; cela est assez évident, jeune homme. Aviez-vous jamais vu une nappe d’eau aussi grande que celle qui est là-bas, avant de l’avoir traversée avec Hurry ?

— Non, jamais. La jeunesse est le temps d’apprendre, et je suis loin de vouloir élever la voix dans le conseil avant que l’expérience m’y autorise.

— Eh bien ! je vais vous apprendre le désavantage de combattre dans cette position, et l’avantage de gagner le lac. Ici, voyez-vous, les sauvages sauront sur quel point ils doivent diriger leurs balles, et ce serait trop espérer que de croire que pas une ne pénétrera à travers les joints et les crevasses de nos palissades. Nous autres, au contraire, nous n’aurons d’autre point de mire que les arbres de la forêt. — D’une autre part, nous ne sommes pas à l’abri du feu ici, car il n’y a rien de plus combustible que les écorces qui couvrent ce toit. Ensuite, les sauvages pourraient entrer dans le château en mon absence, le piller, le dévaster et le détruire. Une fois sur le lac, les ennemis ne peuvent nous attaquer que sur des pirogues ou des radeaux, et alors notre chance est égale à la leur, et l’arche peut protéger le château. Comprenez-vous ce raisonnement, jeune homme ?

— Il sonne bien, il sonne raisonnablement, et je ne trouve rien à y redire.

— Eh bien ! vieux Tom, s’écria Hurry, s’il faut changer de place, plus tôt nous commencerons, plus tôt nous saurons si nous aurons ou non nos chevelures pour bonnets de nuit.

Comme cette proposition se démontrait d’elle-même, personne n’en contesta la justesse. Les trois hommes, après une courte explication préliminaire, s’occupèrent sérieusement de leurs préparatifs de départ. Les légères amarres qui retenaient le pesant bateau furent bientôt détachées, et en halant la corde, il se dégagea peu à peu des buissons qui le couvraient. Dès qu’il ne fut plus encombré par les branches, il entra dans le courant, dont la force l’emporta