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OU LE TUEUR DE DAIMS.

cher la crosse de sa carabine, et plaçant ses deux mains sur la bouche du canon, il la regarda avec un intérêt que la beauté supérieure de sa sœur n’avait pu lui inspirer. Les remarques de Hurry lui avaient appris qu’on trouvait dans Hetty moins d’intelligence qu’il n’en est ordinairement accordé à tous les êtres humains, et l’éducation qu’il avait reçue chez les Indiens l’avait habitué à traiter avec une bonté particulière ceux que la Providence avait affligés ainsi. Comme cela arrive assez souvent, on ne remarquait dans l’extérieur de cette jeune fille rien qui pût affaiblir l’intérêt que sa situation éveillait. On n’aurait pu avec justice l’appeler une idiote, car son esprit n’était faible que parce qu’il ne pouvait s’élever aux traits les plus artificiels de notre nature, tandis qu’il conservait son ingénuité et son amour pour la vérité. Le peu de personnes qui l’avaient vue et qui étaient en état de la juger avaient souvent remarqué que le sentiment intime de ce qui est bien était en elle un instinct, et que son aversion pour tout ce qui est mal était un trait si caractéristique de son esprit, qu’elle était comme entourée d’une atmosphère de pure innocence : ce qui n’est pas sans exemple dans les personnes qu’on appelle faibles d’esprit, comme si Dieu avait défendu aux malins esprits d’approcher d’êtres si dépourvus de défense, dans ce dessein bienveillant de prendre sous sa protection spéciale ceux qui sont privés du secours généralement accordé à l’humanité. Ses traits étaient agréables, et offraient une forte ressemblance avec ceux de sa sœur, dont ils étaient une humble copie. Si elle n’avait pas l’éclat de Judith, l’expression calme, tranquille et presque sainte de sa douce physionomie manquait rarement de gagner le cœur de ceux qui l’observaient, et peu l’observaient longtemps sans commencer à prendre à elle un intérêt profond et durable. Ses joues avaient peu de couleur, et son esprit simple ne lui présentait jamais des images qui pussent y en appeler davantage ; car elle avait une pudeur naturelle qui l’élevait presque à la dignité confiante d’un être supérieur aux faiblesses humaines. La nature et sa manière de vivre avaient fait d’elle une créature innocente, sans détours et sans méfiance, et la Providence l’avait entourée d’une auréole de lumière morale, pour écarter d’elle jusqu’à l’apparence du mal.

— Vous êtes Hetty Hutter, dit Deerslayer de la manière dont on se parle quelquefois à soi-même sans y penser, et avec un ton de bonté qui était particulièrement fait pour gagner la confiance de celle à qui il s’adressait. Hurry Harry m’a parlé de vous, et je sais que vous devez être Hetty.