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OU LE TUEUR DE DAIMS.

avant la guerre, par crainte d’une guerre, et le céder après une guerre, à moins que ce ne soit le parti le plus honorable.

— Nulle femme ne voudrait jamais voir son mari ou son frère se soumettre tranquillement aux insultes et aux injustices, Deerslayer, quoiqu’elle pût déplorer la nécessité de le voir s’exposer aux dangers de la guerre. Mais vous avez déjà fait assez en chassant les Hurons de ces environs, car c’est principalement à vous qu’est dû l’honneur de cette victoire. Maintenant, écoutez-moi avec patience, et répondez-moi avec cette franchise qu’il est aussi agréable de trouver dans votre sexe, qu’il est rare de l’y rencontrer.

Judith resta alors quelques instants en silence ; car, à présent qu’elle était sur le point de s’expliquer, sa modestie naturelle reprenait tout son pouvoir, malgré l’encouragement et la confiance qu’elle puisait dans le caractère simple et franc de son compagnon. Ses joues, un instant auparavant si pâles, se recouvrirent de rougeur, et ses yeux reprirent quelque chose de leur ancien éclat. Le sentiment qu’elle éprouvait donna de l’expression à ses traits et de la douceur à sa voix, et rendit plus séduisante sa beauté naturelle.

— Deerslayer, dit-elle enfin, ce n’est pas le moment de montrer de l’affectation, d’user de subterfuges ou de manquer de franchise. Ici, sur la tombe de ma mère, sur celle de ma sœur, de cette Hetty qui aimait tellement la vérité et qui la disait toujours, tout ce qui ressemblerait à de la dissimulation serait déplacé. Je vous parlerai donc sans aucune réserve, et sans crainte d’être mal comprise. Il n’y a pas huit jours que je vous connais ; mais il me semble que nous nous connaissons depuis des années. Tant d’événements, et d’événements si importants, ont eu lieu pendant ce court espace de temps, que les chagrins et les dangers d’une vie entière semblent s’être accumulés dans quelques jours, et ceux qui ont souffert ensemble et agi de concert ne doivent pas se regarder comme étrangers. Je sais que bien des gens pourraient mal interpréter ce que je vais vous dire ; mais j’espère que vous jugerez plus généreusement ma conduite envers vous. Nous ne sommes pas ici au milieu des pièges et des artifices des établissements, et nous n’avons pas besoin de chercher à nous tromper l’un l’autre. J’espère que je me fais comprendre.

— Certainement, Judith ; peu de personnes conversent aussi bien et aussi agréablement que vous, et l’on a autant de plaisir à vous entendre qu’à vous voir.

— Vous me l’avez déjà, dit, et c’est ce qui me donne le courage de continuer. Cependant, Deerslayer, il n’est pas facile à une fille