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DEERSLAYER
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volontiers donné sa vie pour sauver celle de Hetty. Cet effort de généreux enthousiasme excédant le pouvoir de l’humanité, elle sentit qu’il ne lui restait en partage que l’affliction. En ce moment, poussé par une impulsion secrète à laquelle il ne put résister, Warley rentra dans la chambre, quoiqu’il sentît qu’il aurait volontiers quitté en ce moment pour jamais l’Amérique, si cela lui eût été possible. Au lieu de s’arrêter à la porte, il s’avança près du lit, et Hetty l’aperçut, car elle pouvait encore distinguer les objets qui étaient auprès d’elle.

— Êtes-vous l’officier qui est venu avec Hurry ? lui demanda-t-elle les yeux fixés sur lui. Si cela est, nous devons tous vous remercier, car, quoique j’aie été blessée, vous avez sauvé la vie des autres. Henri March vous a-t-il dit où vous nous trouveriez et combien nous avions besoin de votre secours ?

— La nouvelle de l’incursion des Iroquois, répondit Warley, charmé de pouvoir se soulager le cœur par cette communication amicale, nous a été apportée par un coureur indien d’une tribu qui nous est alliée ; et je reçus l’ordre de marcher à l’instant contre eux. Chemin faisant, nous rencontrâmes Hurry, et certainement cela fut heureux, car il nous servit de guide dans les bois. Un autre bonheur fut que nous entendîmes quelques coups de fusil qui non seulement nous portèrent à accélérer notre marche, mais qui nous dirigèrent vers l’endroit où notre présence était nécessaire. Le Delaware nous vit sur le rivage à l’aide d’une longue-vue, et lui et sa squaw nous rendirent d’excellents services. — Au total, miss Judith, ce fut réellement un heureux concours de circonstances.

— Ne me parlez de rien d’heureux, Monsieur, répondit Judith le visage appuyé sur ses mains ; le monde ne m’offre que misère, et je voudrais ne plus entendre parler de ma vie ni de mousquets, ni de combats, ni de soldats, ni d’hommes.

— Connaissez-vous ma sœur ? demanda Hetty au capitaine avant qu’il eût le temps de préparer une réponse. Comment savez-vous qu’elle se nomme Judith ? Vous ne vous trompez pas, c’est bien son nom ; et moi Je suis Hetty, fille de Thomas Hutter.

— Pour l’amour du ciel, chère sœur, s’écria Judith d’un ton suppliant, ne parlez plus de tout cela.

Hetty parut surprise ; mais, accoutumée à déférer aux désirs des autres, elle cessa d’adresser à Warley des questions qui étaient si pénibles à Judith. Baissant les yeux sur sa Bible, qu’elle tenait entre ses mains comme un avare tiendrait un écrin de pierres précieuses dans un naufrage ou au milieu d’un incendie, son esprit se