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OU LE TUEUR DE DAIMS.

montrer à sa mère qu’il est en état de sauter, tandis que vous êtes un guerrier, et qu’un autre guerrier vous défie, vous et tous les vôtres. N’avez-vous pas peur que vos jeunes filles se moquent de vous ?

Quoique Deerslayer n’eût pas eu dessein de produire un tel effet, ces dernières paroles mirent en fureur le jeune guerrier Bondissant, et à peine furent-elles prononcées, que le tomahawk partit. Et il ne fut pas lancé sans bonne volonté, car l’Indien avait pris la ferme détermination de le tuer. S’il eût eu des intentions moins meurtrières, le danger aurait peut-être été plus grand. Sa colère ne lui avait pas permis de bien calculer son coup, et son arme, passant près de la joue du prisonnier, lui effleura la peau de l’épaule. C’était la première fois qu’un des Hurons avait manifesté un autre dessein que d’effrayer le prisonnier et de donner une preuve de son adresse. Ses compagnons s’en étaient aperçus, et ils firent sortir de la lice le Garçon-Bondissant, en le réprimandant d’un empressement qui avait été sur le point de terminer trop tôt leur amusement.

À ce personnage irritable succédèrent plusieurs autres guerriers, qui lancèrent le tomahawk avec un air d’indifférence insouciante, et dont quelques-uns jetèrent même le couteau, entreprise encore plus délicate et plus dangereuse. Cependant ils montrèrent tous une adresse qui fut heureuse pour le prisonnier. Il reçut à la vérité quelques égratignures, mais dont aucune ne pouvait passer pour une blessure. La fermeté inébranlable avec laquelle il supporta toutes les attaques le fit respecter par tous les spectateurs, et quand les chefs déclarèrent que le prisonnier avait soutenu honorablement les épreuves du tomahawk et du couteau, il n’existait pas un seul individu qui conservât réellement des sentiments hostiles contre lui, sauf le Sumac et le Garçon-Bondissant. Il est vrai que ces esprits mécontents s’étaient réunis, et alimentaient réciproquement leur fureur ; et quoiqu’ils renfermassent une partie de leur malveillance dans leur sein, il était à craindre qu’ils ne parvinssent bientôt à faire des autres autant de démoniaques, comme cela arrivait ordinairement dans de pareilles scènes parmi les sauvages.

En ce moment, Rivenoak se leva, et dit que la Face-Pâle avait prouvé qu’il était un homme. Il pouvait avoir vécu parmi les Delawares, mais cette tribu ne l’avait pas changé en femme. Enfin il demanda si les Hurons désiraient pousser les choses plus loin. Mais la scène qui venait d’avoir lieu avait trop amusé même les femmes les plus douces, pour qu’on pût consentir qu’elle se terminât ainsi,