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OU LE TUEUR DE DAIMS.

avant qu’elles arrivent à un âge que le Sumac avait atteint depuis longtemps. Pour rendre leur voix dure, il semblerait qu’il faut des passions fortes et malignes ; mais quand elles sont une fois excitées, leurs cris peuvent devenir assez aigres et assez discordants pour prouver qu’elles possèdent cette particularité distinctive de leur sexe parmi les sauvages d’Amérique. Le Sumac n’était pourtant pas tout à fait sans attraits, et il y avait si peu d’années qu’elle passait encore pour belle dans sa tribu, qu’elle n’avait pas bien appris toute l’influence que le temps et des travaux pénibles exercent sur la beauté d’une femme. D’après les instructions secrètes de Rivenoak, quelques femmes avaient travaillé à lui persuader qu’elle ne devait pas encore renoncer à l’espoir de déterminer le jeune chasseur à entrer dans son wigwam, plutôt que de partir pour le pays des esprits, quoiqu’il s’y fût montré si peu disposé jusque là. Tout cela résultait du vif désir qu’avait le chef huron de ne rien omettre pour réussir à transplanter dans sa tribu l’homme qui passait pour le meilleur chasseur qui existât dans tout le pays, et pour donner un mari à une femme dont l’humeur serait probablement insupportable, si elle trouvait que les membres de sa tribu n’avaient pas pour elle tous les soins et les égards auxquels elle croyait avoir droit.

Suivant les conseils secrets qui lui avaient été donnés, le Sumac entra donc dans le cercle pour faire un dernier appel à la justice du prisonnier avant qu’on en vînt aux dernières extrémités. Elle ne s’était pas fait prier pour y consentir, car elle souhaitait aussi vivement avoir pour mari un chasseur célèbre et connu dans toutes les tribus, qu’une jeune fille, dans un pays civilisé, désire donner sa main à un homme riche. Comme on supposait que les devoirs d’une mère étaient l’objet principal qui la faisait agir, elle n’éprouva aucun embarras, et elle s’approcha du jeune chasseur, tenant par la main deux de ses enfants.

— Vous me voyez devant vous, Face-Pâle, lui dit-elle, et vous devez en savoir le motif. Je vous ai trouvé, et je ne puis trouver ni le Loup-Cervier ni la Panthère. Je les ai cherchés sur le lac, dans les bois, dans les nuages. Je ne sais où ils sont allés.

— Personne ne le sait, Sumac, répondit le prisonnier ; quand l’esprit quitte le corps, il passe dans un monde que nous ne connaissons pas, et le plus sage pour ceux qui restent en arrière, c’est d’espérer qu’il arrive à bon port. Sans doute vos deux guerriers sont allés dans votre pays des esprits, où vous les reverrez en temps convenable. La femme et la sœur d’hommes si braves devait s’attendre à quelque événement de ce genre.