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DEERSLAYER

dage aussi continuel qu’insignifiant. Ce n’est pas un guerrier ; il a tué le Loup-Cervier en tournant la tête en arrière, de peur de voir brûler l’amorce de son propre fusil. Il grogne déjà comme un pourceau ; et quand les femmes des Hurons commenceront à le tourmenter, il criera comme les petits du chat sauvage. C’est une femme delaware couverte de la peau d’un Anglais.

— Dites ce qu’il vous plaira, jeune homme, dites ce qu’il vous plaira, répliqua Deerslayer sans s’émouvoir ; vous n’en savez pas davantage, et je m’en soucie fort peu. De vaines paroles peuvent mettre une femme en colère, mais elles ne peuvent rendre un couteau plus affilé, le feu plus chaud, ni un mousquet plus certain.

En ce moment, Rivenoak intervint, fit une réprimande au Corbeau-Bouge, et ordonna qu’on liât le prisonnier. Il donna cet ordre, non par crainte qu’il ne s’échappât ou qu’il n’eût pas assez de fermeté pour endurer les tortures sans être garrotté, mais dans le dessein ingénieux de lui faire sentir qu’il ne lui restait aucun espoir, et d’ébranler peu à peu sa résolution. Deerslayer ne fit aucune résistance, et se laissa lier les bras et les jambes avec tranquillité, sinon avec enjouement ; mais ses liens furent serrés de manière à le faire souffrir le moins possible. C’était le résultat des ordres secrets du chef, qui espérait encore que le prisonnier, pour éviter des souffrances plus sérieuses, consentirait enfin à prendre pour femme le Sumac. Dès que le corps de Deerslayer fut entouré de liens de telle sorte qu’il ne pût faire aucun mouvement, on le porta près d’un jeune arbre, auquel on l’attacha de manière à ce qu’il ne pût tomber. Ses bras furent étendus le long de ses cuisses, et on lui passa des cordes d’écorces autour du corps, si bien qu’il semblait incorporé au tronc de l’arbre. On lui ôta alors son bonnet, et on le laissa debout, mais soutenu par ses liens, pour supporter comme il le pourrait la scène qui allait commencer.

Mais, avant d’en venir aux extrémités, Rivenoak voulait mettre à l’épreuve la résolution de son prisonnier, par une nouvelle tentative pour amener un compromis. Ce compromis ne pouvait avoir lieu que d’une seule manière ; car il fallait que la veuve du Loup-Cervier renonçât à la vengeance à laquelle elle avait droit. Il lui fit donc dire d’avancer dans le cercle et de veiller à ses intérêts, nul agent ne paraissant pouvoir aussi bien réussir que la partie principale. Les femmes indiennes, quand elles sont jeunes, sont ordinairement douces et soumises, elles ont la voix agréable, le son en est musical, et elles ont sans cesse le sourire sur les lèvres. Mais un travail dur et opiniâtre les prive presque toujours de ces avantages