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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Que la volonté de Dieu se fasse ! murmura-t-il en quittant le rivage pour retourner sous les arches de feuillage de la forêt ; que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme elle l’est dans le ciel ! J’espérais que mes jours ne se termineraient pas si tôt. Mais qu’importe après tout ? encore quelques hivers et quelques étés, et la fin en serait arrivée ; c’est la loi de nature. Hélas ! l’homme jeune et actif pense rarement que la mort est possible, jusqu’à ce qu’il la voie en face et qu’elle lui dise que son heure est venue.

Tandis qu’il faisait ce soliloque, il retourna à l’ancien camp des Hurons, et il y trouva Hetty, qui l’attendait évidemment. Elle portait sa Bible sous son bras, et son visage, ordinairement couvert d’une ombre de douce mélancolie, portait des marques de tristesse et d’accablement.

— Ma bonne Hetty, lui dit Deerslayer en s’approchant d’elle, tout mon temps a été si cruellement occupé depuis notre arrivée ici, que je vous avais complètement oubliée. Nous nous revoyons, à ce qu’il paraît, pour nous affliger de ce qui va arriver. — Je voudrais savoir ce que sont devenus Chingachgook et Hist.

— Deerslayer, s’écria Hetty d’un ton de reproche, pourquoi avez-vous tué le Huron ? Ne savez-vous pas vos commandements ? Il y en a un qui dit : « Tu ne tueras point. » On m’a dit que c’est le frère de la femme dont vous aviez déjà tué le mari.

— Tout cela est vrai, vrai comme l’évangile ; je ne le nierai pas. Mais il faut vous souvenir que lorsqu’on est en guerre, bien des choses sont légitimes qui ne le seraient pas en temps de paix. Le mari a été tué en combat à découvert, — à découvert en ce qui me concerne, car il s’est tenu bien à couvert autant qu’il l’a pu ; — et le frère s’est attiré lui-même son destin en lançant son tomahawk contre un prisonnier sans armes. — Avez-vous vu cela, Hetty ?

— Oui, je l’ai vu ; et j’en ai été fâchée, Deerslayer. J’espérais qu’au lieu de rendre coup pour coup vous auriez rendu le bien pour le mal.

— Ah ! Hetty, cela est fort bon à dire parmi les missionnaires, mais on ne peut vivre ainsi dans les bois. La Panthère avait soif de mon sang, et il a été assez fou pour mettre une arme entre mes mains en voulant m’ôter la vie. Il aurait été contre nature de ne pas lever le bras après une pareille tentative, et c’eût été faire honte à mon éducation et à mes dons. Non, non ; je suis aussi disposé que personne à rendre à chacun ce qui lui est dû, et j’espère que c’est ce que vous direz à ceux qui vous questionneront probablement sur ce que vous avez vu ici.