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DEERSLAYER

veilleux, et quand il est accompagné d’un dévouement chevaleresque et d’une stricte fidélité à l’honneur, il se présente à notre admiration sous une forme doublement attrayante. En ce qui concerne Deerslayer, quoiqu’il fût fier de prouver ce qu’il appelait son sang blanc, en s’écartant souvent des coutumes des hommes rouges, il les adoptait fréquemment ainsi que leurs sentiments, sans y songer, parce qu’il ne pouvait en appeler à d’autres arbitres de sa conduite que leur goût et leur jugement. En cette occasion, il n’aurait pas voulu montrer une hâte inutile par un retour trop accéléré, car on l’aurait regardé comme un aveu tacite qu’il avait demandé plus de temps qu’il n’en avait besoin ; mais d’une autre part, si l’idée s’en fût présentée à son esprit, il aurait un peu accéléré ses mouvements pour ne pas avoir l’air de ne revenir qu’au dernier instant du délai qui lui avait été fixé. Le hasard avait déjoué cette dernière intention ; car lorsqu’il mit le pied sur la pointe, et qu’il s’avança d’un pas ferme vers le groupe des chefs gravement assis sur un arbre tombé, le plus âgé d’entre eux leva les yeux vers une ouverture entre les branches, et fit remarquer à ses compagnons que le soleil arrivait en ce moment à l’endroit connu pour marquer le zénith. Une exclamation à voix basse, mais générale, annonça la surprise et l’admiration des Hurons, et les chefs se regardèrent entre eux, quelques-uns avec envie et désappointement, quelques autres avec surprise de l’exactitude précise de leur victime, le petit nombre avec un sentiment plus généreux et plus libéral. L’Indien américain regardait toujours ses victoires morales comme les plus nobles. Il faisait plus de cas des cris et des gémissements que les tourments arrachaient à sa victime, que du trophée de sa chevelure, et de ce trophée que de sa mort. Tuer un ennemi sans rapporter cette preuve de sa victoire, paraissait à peine honorable, et ces grossiers et féroces habitants des forêts, comme leurs frères plus civilisés des cours et des camps, s’étaient fait des points d’honneur arbitraires et fantastiques pour supplanter les principes de la justice et les décisions de la raison.

Les Hurons avaient été divisés d’opinion sur la question de savoir si leur prisonnier reviendrait. La plupart d’entre eux n’avaient pas même cru possible qu’une Face-Pâle revînt volontairement pour subir d’horribles tortures ; mais quelques-uns des plus vieux s’attendaient à une autre conduite de la part d’un homme qui avait montré tant de sang-froid, de bravoure et de droiture. La majeure partie avait pourtant consenti à l’absence momentanée du prisonnier, moins dans l’espoir de le voir tenir sa promesse que pour pou-