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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Que voudriez-vous que je fisse de cette arme, si les choses venaient à se passer comme vous semblez vous y attendre ?

— C’est précisément ce dont je voulais vous parler, Judith ; tout justement cela. — Il y a Chingachgook, — il est certainement bon tireur, quoiqu’il soit loin d’être parfait, et peu de Peaux-Rouges le sont jamais. — Mais, comme je le disais, il tire bien, et il se perfectionne tous les jours. En outre il est mon ami, et mon meilleur ami ; peut-être parce qu’il ne peut y avoir aucune jalousie entre nous, vu que tous ses dons sont rouges, et que les miens sont tout à fait blancs. Je voudrais donc laisser Killdeer au Grand-Serpent, s’il m’arrivait quelque chose qui me mît hors d’état de faire honneur à un présent si précieux, Judith, et d’en soutenir la réputation.

— Laissez Killdeer à qui bon vous semblera, Deerslayer. Cette carabine est à vous, et vous pouvez en faire ce qu’il vous plaira. Chingachgook l’aura, si tel est votre désir, dans le cas où vous ne viendriez pas la réclamer vous-même.

— Hetty a-t-elle été consultée sur cette affaire ? Les biens du père passent à ses enfants, et non à un seul d’entre eux.

— Si vous fondez nos droits sur la loi, Deerslayer, je crains que ni elle ni moi nous n’ayons rien à prétendre. Thomas Hutter n’était pas plus le père d’Esther que de Judith. Nous sommes Judith et Esther, et nous n’avons pas d’autre nom.

— Il peut y avoir de la loi dans ce que vous dites là, Judith, mais je n’y trouve pas beaucoup de raison. Suivant la coutume des familles, tout ce qui appartenait à Thomas Hutter est maintenant à vous, et il n’y a personne ici qui puisse vous le contester. Si donc Hetty voulait seulement dire qu’elle y consent, mon esprit serait parfaitement à l’aise sur cette affaire. Il est vrai que votre sœur n’a ni votre esprit ni votre beauté ; mais sa faiblesse d’esprit est une raison pour nous d’avoir plus de respect pour ses droits.

Judith ne répondit rien, mais se mettant à une fenêtre de la cabine, elle appela Hetty. Lorsqu’elle eut appris ce dont il s’agissait, celle-ci déclara sur-le-champ qu’elle consentait très-volontiers à accorder à Deerslayer la propriété de la carabine. Le jeune chasseur parut alors complètement heureux, du moins pour le moment ; et, après avoir encore examiné et admiré cette arme, il déclara sa résolution de la mettre à l’épreuve avant son départ. Nul enfant n’aurait pu avoir plus d’empressement à faire valoir le mérite de sa trompette ou de son arbalète que n’en montra ce simple habitant des forêts à prouver les bonnes qualités de sa nouvelle arme. Re-