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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Hist ne peut être assez perverse pour croire de pareilles choses, répliqua Hetty avec chaleur. — Nul Indien ne chasse après sa mort.

— Nul Indien méchant, je vous l’accorde. Ceux-là seront obligés de porter les munitions, d’allumer le feu, de faire cuire les viandes, et de remplir toutes les fonctions qui sont indignes d’un homme. Faites pourtant attention que je ne vous donne pas ces idées comme les miennes, mais que ce sont celles de Hist ; et pour l’amour de la paix, moins vous lui en direz sur ce sujet, et mieux cela vaudra.

— Et quelles sont vos idées sur le destin d’un Indien dans l’autre monde ? demanda Judith, qui avait enfin retrouvé sa voix,

— Toute autre chose que de chasser. Je suis trop bon chrétien pour m’imaginer qu’un homme chasse et pêche après sa mort, et je ne crois pas qu’il y ait un manitou pour les Peaux-Rouges, et un autre pour les Faces-Pâles. On trouve différentes couleurs sur la terre, mais il n’y existe pas différentes natures. Il y a différents dons, mais il n’y a qu’une seule nature.

— Et quelle différence faites-vous entre les dons et la nature ? La nature n’est-elle pas un don de Dieu ?

— Certainement, Judith ; c’est une pensée naturelle et ingénieuse, quoique, au fond, l’idée soit fausse. La nature est la créature même, ses désirs, ses besoins, ses idées, ses sentiments, tout ce qui est inné en elle. Cette nature ne peut jamais entièrement changer, quoiqu’elle puisse subir des améliorations et des détériorations. Quant aux dons, ils dépendent des circonstances. Ainsi un homme placé dans une ville a les dons des villes ; et dans les forêts, ceux des forêts. Un soldat a le don de faire la guerre ; et un missionnaire, celui de prêcher. Tous ces dons augmentent, se fortifient, et viennent à l’appui de la nature, fournissant une excuse pour mille idées et mille actions. Cependant, quant au fond, la créature est toujours la même, comme l’homme couvert d’un uniforme est semblable à celui qui est vêtu de peau. Les vêtements font un changement à l’œil, et peut-être en opèrent-ils un dans la conduite, mais ils n’en causent aucun dans l’homme. C’est en cela que se trouve l’apologie des dons, vu que vous attendez une autre conduite d’un homme vêtu de soie ou de velours, que de celui qui est couvert de bure ou d’une peau, quoique le Seigneur, qui a fait les créatures, et non les costumes, ne regarde que son ouvrage. Ce n’est pas tout à fait la doctrine des missionnaires, mais cela en approche autant qu’il est nécessaire à un homme de couleur blanche. — Hélas ! je ne pensais guère que je parlerais aujourd’hui d’un pareil sujet, mais c’est une de nos imperfections de ne jamais savoir ce qui doit arriver. —