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DEERSLAYER

première pour faire sa toilette. Ses longs cheveux, noirs comme le jais, furent réunis pour former un simple nœud ; son vêtement de calicot fut serré sur sa taille svelte, et ses petits pieds furent cachés dans des moccasins ornés à la manière de sa tribu. Une fois habillée, elle laissa sa compagne occupée des soins domestiques, et se rendit sur la plate-forme pour respirer l’air du matin. Là, elle trouva Chingachgook étudiant les rivages du lac, les montagnes et le firmament, avec la sagacité d’un habitant des bois et la gravité d’un Indien.

La rencontre des deux amants fut simple, mais affectueuse. Le chef lui montra une affection mâle, également éloignée de la faiblesse et de l’empressement d’un jeune homme, tandis que la jeune fille laissait voir dans son sourire et dans ses regards à demi détournés la tendresse timide de son sexe. Ni l’un ni l’autre ne parla, à moins que ce ne fût des yeux, quoique chacun d’eux entendît l’autre aussi bien que s’ils eussent épuisé tout un vocabulaire de mots et de protestations. Hist avait rarement paru plus à son avantage que ce matin-là : sortant des bras du repos, venant de faire ses ablutions, ses jeunes traits offraient une fraîcheur que les travaux des bois ne laissent pas toujours aux plus jeunes et plus jolies Indiennes. Non-seulement Judith, depuis leur courte connaissance, lui avait communiqué une partie de son goût en toilette, mais elle lui avait même donné quelques ornements choisis parmi les siens, et qui ne contribuaient pas peu à relever les grâces naturelles de la jeune Indienne. Son amant le remarqua, et un rayon de plaisir brilla un instant sur sa physionomie ; mais elle reprit bientôt son air grave, et devint même triste et inquiète. Les escabelles dont on s’était servi la veille étaient encore sur la plate-forme ; il en prit deux, les plaça contre le mur de la maison, s’assit sur l’une et fit signe à sa compagne de s’asseoir sur l’autre. Cela fait, il resta pensif et silencieux plus d’une minute, conservant l’air de dignité réfléchie d’un chef né pour prendre sa place autour du feu du conseil, pendant que Hist, avec l’air de patience et de soumission qui convenait à une femme de sa nation, épiait d’un regard furtif l’expression de sa physionomie. Enfin le jeune guerrier étendit un bras en avant, et dirigea lentement sa main vers le lac, vers les montagnes et vers le firmament, comme pour montrer ce glorieux panorama à l’heure du lever du soleil. Hetty suivit des yeux tous ses mouvements, et sourit de plaisir à mesure qu’une nouvelle beauté s’offrait à ses regards.

— Hugh ! s’écria le chef, admirant une scène à laquelle il n’était