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OU LE TUEUR DE DAIMS.

et tout ce qu’elle contient ? Croiriez-vous devoir dépenser beaucoup de paroles pour conclure un tel marché ?

— Non sans doute, puisque cette caisse et tout ce qu’elle contient nous appartiennent déjà. Il n’y a aucune raison pour acheter ce qui est déjà à nous.

— C’est ainsi que les Mingos calculent. Ils pensent que tout ce que vous possédez leur appartient déjà, et ils n’achèteront à personne la clef de cette caisse.

— Je vous comprends ; mais nous sommes encore en possession du lac, et nous pouvons nous y maintenir jusqu’à ce que Hurry nous envoie un détachement pour chasser l’ennemi des environs. Nous y réussirons certainement, si vous restez avec nous, au lieu d’aller vous remettre entre les mains de ces sauvages, comme vous y paraissez déterminé.

— Si Hurry Harry parlait ainsi, cela serait naturel et conforme à ses dons : il n’en sait pas davantage, et par conséquent il ne serait pas probable qu’il agît ou qu’il pensât autrement. Mais, Judith, je le demande à votre cœur et à votre conscience ; voudriez-vous, pourriez-vous penser de moi aussi favorablement que j’espère et que je crois que vous pensez en ce moment, si j’oubliais mon congé et que je ne retournasse pas au camp ?

— Il me serait difficile de penser plus avantageusement de vous que je ne le fais à présent, Deerslayer ; mais je pourrais continuer à penser de vous aussi favorablement, — je le crois du moins, — j’espère que je le pourrais, — car pour rien au monde je ne voudrais vous engager à faire ce qui pourrait changer ma bonne opinion de vous.

— Ne cherchez donc pas à m’engager à oublier mon congé, Judith. Un congé est une chose sacrée pour les guerriers et pour les hommes qui portent leur vie entre leurs mains, comme nous autres habitants des forêts. Et quel cruel désappointement ne serait-ce pas pour le vieux Tamenund et pour Uncas, le père du Grand-Serpent, et pour tous mes autres amis chez les Delawares, si je me déshonorais ainsi, quand je suis pour la première fois sur le sentier de guerre ? Vous concevez cela aisément, Judith, sans que j’aie besoin d’appuyer sur mes devoirs comme homme blanc, sur les dons de ma couleur, pour ne rien dire de ma conscience, qui est ma reine et dont je ne contrôle jamais les ordres.

— Je crois que vous avez raison, répondit Judith d’un ton mélancolique, après quelques instants de réflexion. Un homme comme vous ne doit pas agir comme agirait un être égoïste et malhonnête.