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OU LE TUEUR DE DAIMS.

sion ; mais on y reconnaissait aussi ce vernis de duplicité que les hommes se croient si souvent permis d’employer envers l’autre sexe. Judith avait versé des larmes en lisant les lettres contenues dans le premier paquet ; mais celles-ci éveillèrent en elle un sentiment d’indignation qui mit sa fierté en état d’en supporter la lecture. Cependant sa main trembla, et tout son corps frissonna de nouveau, quand elle découvrit des traits de ressemblance frappante entre certaines lignes de ces épîtres et quelques passages de lettres qu’elle avait reçues elle-même. Il fut un moment où ce paquet lui échappa des mains ; elle baissa la tête sur sa poitrine, et parut agitée de convulsions. Pendant tout ce temps, Deerslayer garda le silence ; mais il observait avec attention tout ce qui se passait. Judith, après avoir lu une de ces lettres, la lui remit entre les mains pour qu’il la tînt pendant qu’elle lisait la suivante. Cette circonstance ne pouvait l’éclairer en rien, puisqu’il ne savait pas lire ; mais il ne fut pas tout à fait en défaut, car il sut découvrir les diverses passions qui luttaient dans le sein de sa belle compagne ; et comme il lui échappait de temps en temps des exclamations et des portions de phrases entrecoupées, ses conjectures approchaient de la vérité plus que Judith n’aurait été charmée de le savoir.

Elle avait commencé sa lecture par les lettres les plus anciennes, car elles étaient soigneusement rangées par ordre de dates, ce qui lui permit de mieux saisir le fil de l’histoire qu’elles contenaient ; et quiconque aurait pris la peine de les lire en entier, y aurait lu un triste récit de passion satisfaite, ensuite de froideur, et enfin d’aversion. Mais son impatience ne lui permit bientôt que de jeter un coup d’œil rapide sur les pages pour arriver plus vite à la connaissance de la vérité. C’est un expédient auquel ont souvent recours ceux qui veulent obtenir des résultats sans s’inquiéter beaucoup des détails, et en l’adoptant, Judith apprit promptement les fautes que sa mère avait commises, et la punition qu’elle en avait reçue. Judith trouva dans une de ces lettres l’époque de sa naissance précisément indiquée, et elle y apprit que le nom qu’elle portait lui avait été donné d’après le désir de son père. Ce nom n’avait pas été effacé comme les autres, on l’avait laissé subsister, comme si l’on n’eût eu rien à gagner en le supprimant. La naissance de Hetty, ou Esther, était aussi rapportée dans une autre ; mais c’était la mère qui lui avait donné ce nom, et même avant cette époque, le ton de froideur de toutes les épîtres faisait prévoir l’abandon qui devait bientôt s’ensuivre. Ce ne fut qu’alors que sa mère prit l’habitude de garder copie de ses propres lettres. Elles