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DEERSLAYER

désappointée si nous n’y trouvons rien qui nous fasse connaître l’histoire de Thomas Hutter et de ma mère.

— Pourquoi l’appelez-vous Thomas Hutter, et non votre père, Judith ? on doit parler des morts avec le même respect que des vivants.

— J’ai longtemps soupçonné que Thomas Hutter n’était pas mon père, quoique je crusse qu’il pouvait être celui de ma sœur ; mais à présent nous savons qu’il n’était le père ni de l’une ni de l’autre. Il nous l’a dit lui-même avant de mourir. — Je suis assez âgée pour me rappeler des objets bien différents de ce que nous avons vu sur ce lac, quoique le souvenir en soit si faiblement empreint dans ma mémoire, que le commencement de mon existence me semble comme un rêve.

— Les rêves sont de misérables guides quand on a à se décider sur des réalités, Judith. Ne croyez rien, n’espérez rien, sur la foi des rêves, quoique j’aie connu des chefs indiens qui croyaient pouvoir y trouver des avis utiles.

— Je n’en attends rien pour l’avenir, mon digne ami, mais je ne puis m’empêcher de me rappeler le passé. — Mais nous tenons des discours inutiles, quand une demi-heure d’examen peut nous apprendre tout ce que je désire savoir, et même davantage.

Deerslayer, qui comprit l’impatience de Judith, s’assit, comme elle le désirait, et se mit à tirer de la caisse les différents objets qui y étaient contenus. Comme de raison, on y trouva d’abord ceux qui avaient déjà été examinés, et ils excitèrent beaucoup moins d’intérêt et de curiosité que la première fois. Judith jeta même à l’écart la riche robe de brocart avec un air d’indifférence, car le but qu’elle voulait atteindre avait bien plus d’influence sur elle que la vanité, et il lui tardait d’arriver aux trésors encore cachés, ou plutôt inconnus.

— Nous avons déjà vu tout cela, dit-elle, et ce serait du temps perdu d’y jeter un second coup d’œil ; mais le paquet que vous tenez, Deerslayer, n’a pas encore été ouvert, et il faut l’examiner. Dieu veuille qu’il contienne quelque chose qui puisse nous apprendre, à la pauvre Hetty et à moi, qui nous sommes réellement !

— Oui, oui ; si certains paquets pouvaient parler, ils pourraient dévoiler d’étranges secrets, répondit le jeune chasseur en déroulant une grosse toile pour voir ce qu’elle enveloppait. — Mais il paraît que celui-ci n’est pas de cette famille, car ce n’est ni plus ni moins qu’une sorte de drapeau, quoique je ne puisse dire à quelle nation il appartient.