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OU LE TUEUR DE DAIMS.

grands mots, et Dieu veuille que nous puissions seulement tenir la moitié de ce que nous leur promettons ! — Et maintenant, Judith, c’est votre tour de parler, car les Hurons attendent une réponse séparée de chacun, excepté peut-être de la pauvre Hetty.

— Pourquoi cette exception, Deerslayer ? Hetty parle quelquefois très à propos. Les Indiens peuvent attacher quelque poids à ses paroles, car ils ont du respect pour les personnes qui se trouvent dans sa situation.

— Vous avez l’esprit vif, Judith, et ce que vous dites est vrai : les Peaux-Rouges respectent les infortunes de toute espèce, et surtout celles qui arrivent par l’ordre spécial de la Providence, comme dans le cas de la pauvre Hetty. — Eh bien ! Hetty, si vous avez quelque chose à répondre aux Hurons, je leur en ferai part aussi fidèlement que si j’étais un maître d’école ou un missionnaire.

Hetty hésita un instant, et répondit ensuite du ton doux qui lui était ordinaire, mais avec autant de chaleur qu’aucun de ceux qui avaient parlé avant elle :

— Les Hurons, dit-elle, ne comprennent pas la différence qu’il y a entre eux et les blancs, sans quoi ils ne demanderaient pas que Judith et moi nous allassions vivre dans leurs villages. Dieu a donné un pays aux hommes rouges, et il nous en a donné un autre. Il a voulu que nous vivions séparés. D’ailleurs ma mère m’a dit que nous ne devions jamais vivre qu’avec des chrétiens, s’il est possible, et c’est une raison pour que nous ne puissions habiter avec eux. Ce lac est à nous, et nous ne le quitterons pas. Il contient dans son sein les tombes de notre père et de notre mère, et les plus méchants Indiens n’abandonnent pas les tombes de leurs pères. J’irai revoir les Hurons, s’ils le désirent, et je leur lirai encore la Bible ; mais je ne puis quitter les tombes de mon père et de ma mère.

— Cela suffira, Hetty ; cela suffira tout aussi bien que si vous leur envoyiez un message deux fois aussi long. Je leur expliquerai toutes vos paroles et toutes vos idées, et je vous garantis qu’à cet égard ils s’en contenteront aisément. — Maintenant, Judith, c’est votre tour, après quoi cette partie de ma mission sera terminée pour cette nuit.

Judith montra quelque répugnance à faire une réponse qui éveillait quelque curiosité dans l’esprit du messager. La jugeant d’après sa fierté bien connue, il ne supposait pas qu’elle pût tenir moins à ses principes que Hist ou Hetty, et cependant il remarquait en elle un air d’indécision qui ne le laissait pas tout à fait sans inquiétude.