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OU LE TUEUR DE DAIMS.

ainsi il la montra à Chingachgook, — et ils m’ont adressé les paroles qui suivent : — Dites au Grand-Serpent qu’il s’est bien comporté pour un commençant. Il peut maintenant traverser les montagnes et retourner dans les villages de sa tribu ; aucun de nous ne suivra sa piste. S’il a enlevé quelque chevelure, il peut l’emporter. Les Hurons sont braves, et ils ont un cœur. Ils sentent qu’un jeune guerrier n’aime pas à rentrer chez lui les mains vides. S’il est agile, il est le bien-venu à se mettre à la tête d’un parti et à nous poursuivre. Mais il faut que Hist revienne parmi les Hurons. En les quittant pendant la nuit, elle a emporté par méprise ce qui ne lui appartenait pas !

— Cela ne peut être vrai, dit Hetty avec vivacité. — Hist n’est pas fille à agir ainsi. Elle veut rendre à chacun ce qui lui est dû, et…

Sa remontrance aurait probablement été plus longue ; mais Hist, moitié riant, moitié rougissant, lui couvrit la bouche d’une main, et l’empêcha d’en dire davantage.

— Vous n’entendez rien aux messages des Mingos, Hetty, reprit Deerslayer. — Ce n’est pas à la surface qu’il faut chercher le sens de ce qu’ils disent. Ils veulent dire, en cette occasion, que Hist a emporté avec elle le cœur d’un jeune Huron, et ils veulent qu’elle revienne pour que le pauvre jeune homme retrouve ce qu’il a perdu. Le Serpent, disent-ils, est un jeune guerrier qui promet trop pour ne pas trouver autant de femmes qu’il en voudra, mais il ne peut avoir celle-ci. Voilà ce que signifie leur message, comme je le comprends, et pas autre chose.

— Ils se montrent aussi réfléchis qu’obligeants, en supposant qu’une jeune fille puisse oublier ses inclinations, pour que ce malheureux jeune homme puisse satisfaire les siennes ! dit Judith avec un ton d’ironie auquel il se mêla plus d’amertume à mesure qu’elle parlait. — Je crois qu’une femme est femme, n’importe que sa peau soit blanche ou rouge, et vos chefs connaissent peu le cœur d’une femme, Deerslayer, s’ils pensent qu’il puisse jamais pardonner l’injure qu’on lui a faite, ou oublier un amour véritable.

— Je suppose que cela peut être vrai de quelques femmes, Judith, mais j’en ai connu qui pouvaient faire l’un et l’autre. — Le second message s’adresse à vous. Ils disent que le Rat-Musqué, comme ils appellent votre père, a fait le plongeon dans le lac, qu’il ne reviendra jamais à la surface, et que ses petits auront bientôt besoin de wigwam, sinon de nourriture. Ils croient que les huttes des Hurons valent mieux que celles de New-York, et ils désirent que vous