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DEERSLAYER

prit faible sur l’intelligence supérieure qui, dans d’autres circonstances, aurait été brillante et admirée, se déploya d’une manière aussi simple que nouvelle.

— Vous oubliez ce qui nous a amenées ici, Judith, lui dit-elle avec un ton de reproche mêlé de douceur. Nous sommes sur la tombe d’une mère, et nous venons de placer le corps d’un père à son côté. Nous avons eu tort de nous occuper de nous si longtemps dans un pareil endroit, et nous devons à présent prier Dieu de nous pardonner, et de nous apprendre où nous devons aller et ce que nous devons faire.

Judith lâcha involontairement la rame qu’elle avait déjà prise, tandis que Hetty se mettait à genoux et ne songeait plus qu’à adresser à Dieu ses humbles, mais ferventes prières. Sa sœur ne pria point. Elle avait depuis longtemps cessé de prier, quoique l’angoisse d’esprit lui arrachât souvent des appels et des invocations mentales à la grande source de toute bienveillance, pour en obtenir de l’appui, sinon un changement salutaire dans son esprit. Cependant elle ne voyait jamais Hetty à genoux sans se livrer à de tendres souvenirs du temps où elle priait aussi avec sa mère, et sans éprouver de profonds regrets de la dureté de son cœur. L’habitude de la prière, qu’elle avait contractée dès son enfance, elle l’avait conservée jusqu’à l’époque des voyages qu’elle avait faits dans les forts avec Hutter ; et dans certains moments elle aurait donné tout au monde pour pouvoir échanger ses sentiments actuels contre cette foi confiante, ces pures aspirations, et cette douce espérance qui brillait dans les traits de sa sœur, moins favorisée par la nature sous tout autre rapport. Tout ce qu’elle put faire en cet instant fut de baisser la tête sur son sein, et de montrer par son attitude l’apparence de cette dévotion que son esprit altier ne pouvait partager.

Quand Hetty se releva, ses joues avaient un coloris et ses traits une sérénité qui rendaient positivement belle une physionomie qui était toujours agréable. Son âme était en paix, et sa conscience lui disait qu’elle avait fait son devoir.

— À présent, dit-elle, nous pouvons partir si vous le voulez, Judith. Dieu a eu pitié de moi, et il a soulagé mon cœur du fardeau qui l’accablait. Ma mère a eu aussi de bien grandes peines à supporter ; elle me l’a dit souvent, et c’était la prière qui lui en donnait la force ; c’est la seule manière d’y réussir, ma sœur. Vous pouvez lever une pierre ou une souche avec vos mains ; mais c’est par la prière que le cœur doit être allégé. Je crois que vous ne priez