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OU LE TUEUR DE DAIMS.

consolation de savoir que si notre mère, dans sa jeunesse, a jamais commis quelque faute grave, elle a vécu assez pour s’en repentir ; et sans doute ses péchés lui ont été pardonnés.

— Il n’est pas bien à des enfants, Judith, de parler des péchés de ceux à qui ils doivent la naissance. Nous ferions mieux de parler des nôtres.

— Parler de vos péchés, Hetty ! S’il exista jamais sur la terre une créature sans péché, c’est vous ; je voudrais pouvoir dire ou penser la même chose de moi ; mais nous verrons. Personne ne sait quels changements l’affection pour un bon mari peut faire dans le cœur d’une femme. Je ne crois pas que, même à présent, j’aie autant d’amour qu’autrefois pour la parure.

— Ce serait bien dommage, Judith, que vous pussiez penser à la parure sur la tombe de vos parents. Nous ne quitterons jamais ce lac, si vous parlez ainsi, et nous laisserons Hurry aller où bon lui semble.

— Je suis très-disposée à consentir à la dernière partie de cette proposition, mais je ne puis en dire autant de la première. Nous devons désormais vivre d’une manière qui convienne à d’honnêtes jeunes filles, et nous ne pouvons rester ici pour être en butte aux propos grossiers et aux mauvaises langues des chasseurs et des trappeurs qui peuvent venir dans ces environs. Laissons partir Hurry, et ensuite je trouverai le moyen de voir Deerslayer, et notre avenir sera bientôt décidé. Allons, Hetty, le soleil est couché et l’arche s’éloigne de nous. Prenons les rames et rejoignons nos amis pour nous concerter avec eux. Cette nuit même, j’examinerai la caisse, et demain décidera de ce que nous devons faire. Quant aux Hurons, à présent que nous pouvons nous servir de tout ce que nous avons entre les mains, sans crainte de ce que pourra en dire Thomas Hutter, je ne doute pas que nous ne rachetions aisément la liberté de Deerslayer. Une fois qu’il sera en liberté, il ne faudra qu’une heure pour que tout soit entendu.

Judith était habituée depuis longtemps à parler à sa sœur d’un ton décidé, avec un air d’autorité, et ce fut ce qu’elle fit en cette occasion ; mais, quoiqu’elle fût accoutumée à l’emporter en tout, à l’aide de manières péremptoires et d’une élocution facile et imposante, il arrivait parfois que Hetty arrêtât son impétuosité et sa précipitation au moyen de ces vérités simples et morales qui étaient si profondément gravées dans toutes ses pensées comme dans tous ses sentiments, et qui jetaient une sorte de doux et saint lustre sur ses discours et sur ses actions. En ce moment, l’ascendant de l’es-