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OU LE TUEUR DE DAIMS.

ler, quelles nouvelles des rats musqués ? — Vous ont-ils montré les dents pendant que vous faisiez le tour de leur maison ?

— Pas aimer cela, répondit le Delaware d’un ton sentencieux. — Trop tranquille. — Assez tranquille pour avoir silence.

— C’est de l’indien tout pur. — Comme si quelque chose pouvait faire moins de bruit que rien ! — Si vous n’avez pas de meilleure raison à donner, le vieux Tom fera bien d’établir sa voile et d’aller déjeuner dans sa maison. — Et qu’est devenu le moccasin ?

— Voici, dit Chingachgook, montrant sa prise à tous les yeux.

Le moccasin fut examiné. Hist prononça avec un ton de confiance que c’était la chaussure d’un Huron, d’après la manière dont les piquants de la peau d’un porc-épic étaient arrangés sur le devant. Hutter et le Delaware furent décidément du même avis. Cependant ce n’était pas une preuve positive que des Hurons fussent dans le château. Ce moccasin pouvait y être venu de bien loin à la dérive, ou il pouvait s’être échappé du pied de quelque espion chargé d’examiner la place, et qui s’était retiré après avoir accompli sa mission. En un mot, ce moccasin n’expliquait rien, quoiqu’il excitât tant de défiance.

Dans de telles circonstances, Hutter et Hurry n’étaient pas hommes à se laisser détourner dans leurs projets par une circonstance si légère. Ils établirent de nouveau la voile, et l’arche fut bientôt en route vers le château. Le vent étant très-faible, le mouvement du scow était assez lent pour leur donner le temps de bien examiner le bâtiment tandis qu’ils en approchaient. Le même silence y régnait, — le silence de la mort, — et il était difficile de s’imaginer qu’il s’y trouvât quelque chose possédant la vie animale. Bien différents de Chingachgook, dont l’imagination était mise en jeu par ses traditions, au point qu’il croyait voir quelque chose d’artificiel dans un silence naturel, ses deux compagnons ne voyaient rien à craindre dans une tranquillité qui, au total, n’annonçait que le repos d’objets inanimés. Les accessoires de cette scène étaient même de nature à faire entrer le calme dans l’âme plutôt que l’inquiétude. Le jour n’était pas encore assez avancé pour que le soleil fût élevé au-dessus de l’horizon ; les bois, le lac et même l’atmosphère se montraient sous cette douce clarté qui précède immédiatement le lever de cet astre, instant qui est peut-être le plus attrayant des vingt-quatre heures. C’est le moment où tout est distinct ; l’atmosphère même paraît transparente ; toutes les teintes sont adoucies ; enfin les contours et la perspective des objets sont comme des vérités morales qui se présentent dans toute leur simplicité sans