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DEERSLAYER

d’avoir soin que le feu ne s’éteignît pas, ou qu’il ne brillât pas assez pour produire une clarté qui pourrait les trahir, et en général, d’avoir toujours les yeux ouverts sur l’état du camp. Un autre passait sans cesse d’un rivage à l’autre, en traversant la base de la pointe ; et le troisième se promenait à pas lents sur les sables à l’extrémité opposée, pour empêcher la répétition d’une surprise semblable à celle qui avait déjà eu lieu cette nuit. Ces dispositions étaient loin d’être ordinaires parmi les sauvages, qui, en général, comptent plus sur le secret de leurs mouvements que sur une vigilance de cette espèce ; mais elles avaient été prises par suite des circonstances particulières dans lesquelles les Hurons se trouvaient alors ; leur position était connue de leurs ennemis, et ils ne pouvaient aisément en changer à une heure qui exigeait du repos. Peut-être aussi plaçaient-ils en grande partie leur confiance sur la connaissance qu’ils croyaient avoir de ce qui se passait dans la partie supérieure du lac, ce qui, pensaient-ils, donnerait assez d’occupation à tous les blancs qui étaient en liberté, ainsi qu’au Mohican leur allié. Il est en outre probable que Rivenoak savait qu’en gardant son prisonnier il tenait entre ses mains le plus dangereux de ses ennemis.

La précision avec laquelle dorment ceux qui sont habitués à la vigilance, ou dont le repos est souvent troublé, n’est pas le moindre phénomène de notre être mystérieux. À peine ont-ils placé la tête sur leur oreiller, que le sommeil leur fait tout oublier ; et cependant, à l’heure nécessaire, l’esprit semble éveiller le corps aussi promptement que s’il eût été spécialement chargé de ce soin. Il n’y a nul doute que ceux qui sont ainsi éveillés ne le soient par suite de l’influence de la pensée sur la matière ; mais la manière dont s’exerce cette influence restera cachée à notre curiosité jusqu’au moment où le voile qui couvre tous les mystères de l’existence humaine sera déchiré, si ce moment arrive jamais. Ce fut ce qui arriva à Hetty Hutter. Toute faible qu’on croyait la partie immatérielle de son être, elle fut assez active pour l’éveiller à minuit. La jeune fille se leva sur-le-champ, et la fraîcheur de la nuit jointe à celle de son lit l’ayant un peu refroidie, elle s’avança innocemment, et sans chercher à se cacher, vers le feu à demi éteint et en rapprocha les tisons. Ils produisirent bientôt une légère flamme qui illumina le visage rouge du Huron placé en sentinelle, et dont les yeux brillèrent comme les prunelles de la panthère que des chasseurs poursuivent jusque dans sa tanière à la lueur des torches. Mais Hetty ne sentit aucune crainte, et elle s’avança vers l’endroit où se trouvait l’In-