Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
DEERSLAYER

ceinture ténébreuse qui entourait les bois, ils s’aperçurent qu’ils allaient trop au nord, et ils changèrent la direction de la pirogue, qui semblait se mouvoir par instinct, tant tous ses mouvements étaient circonspects et réfléchis. Elle continua cependant à avancer jusqu’au moment où son avant gratta sur le sable de la plage, à l’endroit même où Hetty avait débarqué, et d’où sa voix avait été entendue, la nuit précédente, lorsque l’arche vint à passer. Là comme ailleurs, le rivage était étroit, mais les buissons formaient une frange au pied des bois, et presque partout ils étaient suspendus au-dessus de l’eau.

Chingachgook s’avança sur le rivage, qu’il examina avec soin, et à quelque distance, de chaque côté de la pirogue. Pour y parvenir, il fut souvent obligé de marcher dans l’eau jusqu’aux genoux, sans en être récompensé par la vue de Hist. À son retour, il trouva son ami qui avait aussi débarqué. Ils se consultèrent à voix basse, car l’Indien craignait qu’ils ne se fussent mépris sur le lieu du rendez-vous. Deerslayer pensait que probablement ils s’étaient trompés d’heure. Il n’avait pas fini de parler, qu’il saisit le bras du Delaware, lui fit tourner les yeux du côté du lac en lui montrant le sommet des montagnes situées à l’est. Les nuages s’étaient faiblement entr’ouverts, plutôt au-delà qu’au-dessus des collines, ainsi qu’il leur sembla, et l’étoile du soir scintillait entre les branches d’un pin. En tout cas c’était un doux présage, et les deux jeunes gens s’appuyèrent sur leurs fusils, en prêtant une oreille attentive pour entendre le bruit de tous pas qui pouvaient s’approcher. À maintes reprises, ils entendirent des voix auxquelles se mêlaient des cris interrompus d’enfants, et les rires peu bruyants, mais harmonieux, de femmes indiennes. Comme les indigènes d’Amérique sont généralement pleins de circonspection, et qu’il leur arrive rarement de prendre un ton élevé dans leurs entretiens, les aventuriers en conclurent qu’ils devaient être fort près du camp. Aux rayons de lumière qui illuminaient les cimes de quelques arbres, il était aisé de voir qu’il y avait un feu dans les bois ; mais, de l’endroit où ils se trouvaient, ils ne pouvaient calculer exactement la distance qui les séparait de ce feu. Une ou deux fois il leur sembla entendre quelques individus s’éloigner du feu et s’approcher du lieu du rendez-vous ; mais ces sons étaient une illusion, ou ceux qui s’étaient avancés s’en retournèrent sans aller au rivage. Un quart d’heure se passa dans cet état d’attente et de vive anxiété, et alors Deerslayer proposa de faire le tour de la pointe dans la pirogue, et de prendre une position avancée, d’où ils pourraient voir le camp