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OU LE TUEUR DE DAIMS.

naient à s’éveiller et à en reconnaître la position ; et ensuite il devenait plus dangereux de débarquer pour enlever Hist, sans parler de toutes les chances contraires et hasardeuses résultant nécessairement du changement de position de leurs ennemis. Sachant que l’heure du rendez-vous était proche, le Delaware ne songea plus aux trophées à enlever à l’ennemi, et l’une des premières mesures sur lesquelles il se concerta avec son compagnon, fut de laisser dormir les deux autres, de peur qu’ils ne dérangeassent l’exécution de leurs plans en y substituant les leurs. L’arche avançait lentement, et il aurait fallu un bon quart d’heure pour gagner la pointe, au train dont ils allaient, de sorte qu’ils eurent le temps de méditer un peu. Les Indiens, dans le but d’empêcher leur feu d’être aperçu par ceux qu’ils croyaient encore dans le château, l’avaient placé si près de la rive méridionale de la pointe, que les buissons le dérobaient à peine aux regards de ce côté, quoique Deerslayer gouvernât à droite et à gauche, dans l’espoir d’obtenir ce résultat.

— Nous avons un avantage, Judith, en trouvant ce feu si près de l’eau, dit-il tout en exécutant ces petites manœuvres ; car cela prouve que les Mingos nous croient dans la hutte, et qu’ils ne s’attendront pas à nous voir venir de ce côté. Il est heureux que Harry March et votre père soient endormis, autrement ils ne manqueraient pas de vouloir encore rôder pour enlever des chevelures. Ah ! tenez ! les buissons commencent à cacher le feu, et maintenant il est impossible de le voir !

Deerslayer attendit un peu pour s’assurer qu’il était enfin arrivé à l’endroit désiré, et après qu’il eut donné le signal convenu, Chingachgook jeta l’ancre et amena la voile.

La position occupée par l’arche avait son avantage et son désavantage. Le feu avait été caché à mesure que le scow avait avancé vers le rivage, qui se trouvait peut-être plus rapproché qu’il n’était désirable. Cependant on savait que le lac était très-profond un peu plus loin, et, dans les circonstances où ils étaient placés, ils devaient éviter, si cela était possible, de mouiller dans une eau profonde. Ils croyaient aussi qu’il ne pouvait y avoir aucun radeau à une distance de plusieurs milles, et qu’il serait difficile d’arriver à l’arche sans pirogue, quoique dans les ténèbres elle semblât être sous les branches avancées des arbres. L’épaisse obscurité qui les enveloppait si près de la forêt formait aussi un puissant rempart, et il n’y avait pour eux que peu ou point de danger d’être découverts, tant qu’ils auraient soin de ne faire aucun bruit. Deerslayer communiqua toutes ces remarques à Judith, en lui prescrivant ce