CHAPITRE XIII.
Deerslayer n’eut pas plutôt retiré les pistolets du coffre, qu’il se tourna vers le Delaware en les présentant à son admiration.
— Fusil d’enfant, dit le Serpent souriant en maniant un des pistolets, comme si c’eût été un jouet.
— Non pas, Serpent, non pas ; ceci est fait pour un homme et suffirait à un géant qui saurait s’en servir. Mais attendez ; les hommes blancs sont remarquables pour la négligence avec laquelle ils mettent des armes à feu dans des coffres et dans des coins. Laissez-moi voir si l’on a pris soin de ces armes.
À ces mots Deerslayer prit le pistolet des mains de son ami et en ouvrit le bassinet. Il s’y trouvait une amorce que le temps, l’humidité et la compression avaient rendue semblable à un morceau de charbon calciné. Au moyen de la baguette, on s’assura que les deux pistolets étaient chargés, quoique Judith pût attester qu’ils étaient restés dans la caisse probablement pendant des années. Il est difficile de se peindre la surprise de l’Indien à cette découverte, car il avait l’habitude de renouveler chaque jour son amorce et d’examiner fort souvent le contenu de son mousquet.
— Voilà la négligence blanche, dit Deerslayer en secouant la tête, et il se passe à peine une saison sans que quelqu’un en pâtisse dans la colonie. — Il est extraordinaire, Judith, oui, il est positivement extraordinaire que celui qui possède de pareilles armes, s’il tire sur un daim ou quelque autre gibier, ou peut-être sur un ennemi, manque deux fois sur trois ; mais qu’il survienne un accident avec ces charges oubliées et il est sûr de tuer un enfant, un frère ou un ami ! Eh bien ! nous rendrons service au propriétaire de ces pistolets en les tirant pour lui ; et comme c’est une nouveauté pour vous