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DEERSLAYER

couverte d’une semblable peau. Il est toujours plus sage de nous vêtir de manière à ce que nos amis ne soient pas obligés de nous demander nos noms. La Rose-Sauvage est très-agréable à voir ; mais toutes ces couleurs ne la rendent pas plus belle.

— C’est cela ! voilà la nature et les véritables bases de l’amour et de la protection. Quand un homme s’arrête pour cueillir une fraise sauvage, il ne s’attend pas à trouver un melon ; et quand il désire cueillir un melon, il est désappointé s’il s’aperçoit que c’est une citrouille, quoique souvent les citrouilles plaisent plus à l’œil que les melons. C’est cela, et cela veut dire : restez fidèles à vos dons, et vos dons vous seront fidèles.

Les deux amis eurent alors une petite discussion sur la question de savoir s’il était convenable de fouiller plus avant dans la caisse de Hutter ; mais bientôt Judith reparut sans la riche parure, et ayant repris sa simple robe de toile.

— Merci, Judith, dit Deerslayer en lui prenant la main avec bonté, car je sais qu’il vous a fallu réprimer un peu les désirs naturels à la femme, pour mettre de côté et en tas, je suppose, tant de belles choses. Mais vous plaisez mieux aux regards telle que vous êtes, que si vous aviez une couronne sur la tête et des joyaux couvrant vos cheveux. La question, maintenant, est de savoir si nous devons enlever cette enveloppe pour voir quel est réellement le meilleur marché à conclure en faveur de maître Hutter ; car il nous faut agir comme nous croyons qu’il agirait lui-même s’il était ici à notre place.

Judith avait l’air très-heureux. Accoutumée comme elle l’était à l’adulation, l’humble hommage de Deerslayer lui avait causé plus de satisfaction que les discours d’aucun homme lui en aient encore fait éprouver. Ce n’étaient pas les termes dans lesquels cette admiration avait été exprimée, car ils étaient assez simples, qui avaient produit une si vive impression ; ce n’était non plus ni leur nouveauté, ni leur chaleur, ni aucune de ces nuances qui donnent ordinairement du prix aux louanges, mais bien l’inflexible sincérité de celui qui les lui avait accordées, sincérité qui portait ses paroles si droit au cœur de la jeune fille. C’est là un des grands avantages de la droiture et de la franchise. Celui qui flatte par habitude et avec art peut réussir jusqu’au moment où ses propres armes sont employées contre lui, et semblable aux autres friandises, l’excès de l’aliment qu’il donne le fait prendre en dégoût ; mais celui qui agit franchement, quoique souvent il offense nécessairement, possède un pouvoir d’éloges qui appartient exclusive-