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OU LE TUEUR DE DAIMS.

que d’offrir ces babioles en échange de sa liberté. Nous jetterons dans la balance toutes ces autres petites frivolités, et nous délivrerons Hurry par-dessus le marché.

— Mais vous pensez, Deerslayer, que Thomas Hutter n’a personne dans sa famille, — ni enfant, — ni fille, à qui cette robe puisse convenir, et que vous aimeriez voir s’en parer, une fois par hasard, ne fût-ce même qu’à de longs intervalles, et seulement pour badiner ?

— Je vous comprends, Judith, oui, je comprends maintenant votre pensée, et je crois pouvoir dire aussi votre désir. Je suis tout prêt à vous accorder que vous êtes, avec cette parure, aussi glorieuse que le soleil, quand il se lève ou se couche par un beau jour d’octobre ; et assurément vous embellissez cette toilette infiniment plus qu’elle ne vous embellit. Il y a des dons dans les vêtements, aussi bien qu’en autres choses. Par exemple, suivant moi, un guerrier, en entrant sur le sentier de guerre, ne devrait pas se peindre le corps d’une manière aussi imposante qu’un chef dont la valeur est éprouvée, et qui sait par expérience qu’il ne restera pas au-dessous de ses prétentions. Il en est de même avec nous, rouges ou blancs. Vous êtes la fille de Thomas Hutter, et cette robe a été faite pour celle de quelque gouverneur ou pour une dame de haut rang ; elle était destinée à être portée dans de beaux appartements, et au milieu d’une noble compagnie. À mes yeux, Judith, une jeune fille modeste n’est jamais plus jolie que lorsqu’elle est habillée à son avantage, et aucune toilette ne sied si elle n’est pas d’accord avec le reste. D’ailleurs, s’il est une créature dans la colonie qui puisse se passer de parure et se fier à sa bonne mine et à sa douce physionomie, c’est vous.

— Je vais ôter ces guenilles à l’instant, Deerslayer, s’écria la jeune fille en s’élançant hors de la chambre ; et je désire ne les voir jamais porter par qui que ce soit.

— Voilà comme elles sont toutes, Serpent, dit Deerslayer en riant et se tournant vers son ami, aussitôt que la jeune beauté eut disparu. Elles aiment la parure, mais elles aiment par-dessus tout leurs charmes naturels. Quoi qu’il en soit, je suis enchanté qu’elle ait consenti à mettre de côté ses falbalas, car il est déraisonnable pour une personne de sa condition de les porter ; et puis, elle est assez jolie, comme je l’ai dit, pour s’en passer. Hist aussi serait remarquablement bien avec une pareille robe, Delaware.

— Wah-ta !-Wah est une fille peau-rouge, Deerslayer, répondit l’Indien ; de même que les petits du pigeon, on doit la reconnaître à ses plumes. Je passerais près d’elle sans me déranger, si elle était