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DEERSLAYER

nait d’entrer. — Au large ! il y va de la vie ; le lac est plein de sauvages qui passent l’eau à gué pour arriver jusqu’à nous.

Les jeunes gens, — car Chingachgook vint immédiatement au secours de son ami ; — les jeunes gens n’eurent pas besoin d’une seconde invitation ; ils se mirent à l’œuvre avec un zèle qui montra combien ils jugeaient l’occasion pressante. La grande difficulté était de vaincre le vis inertiœ d’une masse comme le scow ; car, une fois en mouvement, il était aisé de le faire avancer avec toute la vitesse nécessaire.

— Halez ! Deerslayer, pour l’amour de Dieu ! cria de nouveau Judith restée à son poste. — Ces misérables se précipitent dans l’eau comme des chiens poursuivant leur proie ! Ah ! — Le scow est en mouvement ! Et voilà l’eau qui monte jusque sous les bras du plus avancé ; cependant ils s’élancent en avant, et ils saisiront l’arche !

La jeune fille fit encore entendre un léger cri, qui fut suivi d’un rire joyeux. L’un était produit par les efforts désespérés de ceux qui les poursuivaient, et l’autre par leur manque de succès.

L’esquif était maintenant en plein mouvement, et glissait sur une eau plus profonde avec une vélocité qui bravait les desseins des ennemis. Les deux hommes, que la position de la cabine empêchait de voir ce qui se passait à l’arrière, furent forcés de demander aux jeunes filles où en était la chasse.

— Que se passe-t-il maintenant, Judith ? — Que veulent-ils faire ? — Les Mingos nous poursuivent-ils toujours, ou en sommes-nous débarrassés quant à présent ? demanda Deerslayer en sentant la corde céder, comme si le scow eût marché rapidement, et en entendant le cri et l’éclat de rire de la jeune fille presque en même temps.

— Ils ont disparu ! Un seul, le dernier, se cache en ce moment dans les buissons du rivage. — Tenez ! il a disparu sous l’ombre des arbres ! Vous avez votre ami, et nous sommes tous en sûreté.

Les deux hommes firent en ce moment de nouveaux efforts ; ils halèrent la corde et firent avancer rapidement l’arche jusqu’au grappin puis ils le dérapèrent ; et une fois que le scow eut franchi quelque distance et perdu son aire, ils jetèrent de nouveau le grappin : alors, pour la première fois depuis leur rencontre, ils se reposèrent. Comme la maison flottante se trouvait actuellement assez éloignée du rivage, et qu’elle offrait une entière protection contre les balles, il n’y avait plus aucun danger ni aucun besoin pressant de faire de nouveaux efforts.

La façon dont s’accostèrent les deux amis fut très-caractéristique.