Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
OU LE TUEUR DE DAIMS.

à la vue ; et comme la porte était bien fermée et barricadée, il n’aurait pas été facile de s’en emparer, quand même on les aurait vues. Cependant, avant de fermer la porte, Judith entra dans l’enclos sur une troisième pirogue, laissant Deerslayer occupé à fermer dans l’intérieur la porte et les croisées du bâtiment. Comme tout était solide et massif, et que de petits troncs d’arbres étaient les barres dont on se servait pour tout fermer, il aurait fallu une heure ou deux de travail pour pénétrer dans le bâtiment quand Deerslayer eut terminé son opération, même en supposant que les assaillants fussent munis de bons outils et qu’ils n’éprouvassent aucune résistance. Ce soin pris par Hutter pour sa sûreté venait de ce qu’il avait été volé une ou deux fois par les blancs de la frontière pendant ses fréquentes absences de sa maison.

Lorsque tout fut bien fermé dans l’intérieur, Deerslayer ouvrit une des trappes dont nous avons parlé, et descendit par là dans la pirogue de Judith, après quoi il ferma la trappe avec une grosse barre et un bon cadenas. Hetty passa sur cette pirogue que l’on fit sortir de l’enceinte formée par les palissades ; puis on ferma avec soin la porte de l’enceinte, dont on emporta les clefs dans l’arche. Au moyen de toutes ces précautions, personne ne pouvait entrer dans le château sans effraction, ou sans suivre la même marche que Deerslayer avait prise pour en sortir.

On avait préliminairement porté la longue-vue à bord de l’arche, et Deerslayer s’en servit pour examiner, autant que sa position le permettait, toutes les rives du lac. Pas une seule créature vivante n’était visible, à l’exception de quelques oiseaux qui sautillaient de branche en branche, comme s’ils eussent craint de s’exposer aux rayons encore brûlants du soleil d’une après-midi d’été. Toutes les pointes les plus voisines furent particulièrement l’objet d’un strict examen, car il voulait être bien sûr que les sauvages n’étaient pas occupés à préparer quelque radeau ; mais il ne vit partout que le même tableau d’une solitude calme. Quelques mots expliqueront suffisamment le plus grand embarras de la situation du jeune chasseur et de ses deux compagnes : ils étaient exposés aux yeux vigilants de leurs ennemis, tandis que tous les mouvements de ceux-ci étaient cachés par la draperie d’une épaisse forêt. Pendant que l’imagination des premiers serait portée à peupler les bois d’un plus grand nombre de sauvages qu’il ne s’y en trouvait réellement, leur faiblesse serait aisément reconnue par tout Indien qui jetterait un regard de leur côté.

— Il n’y a rien qui remue, dit Deerslayer en baissant la longue-