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— Arrowhead était un grand chef, — répondit la jeune femme avec fierté.

— Il avait son mérite, et il avait aussi ses défauts. Mais, Rosée-de-Juin, vous n’êtes pas abandonnée, et vous ne le serez jamais. Livrez-vous à votre chagrin, c’est dans la nature, et lorsqu’un temps convenable sera venu, je vous en dirai davantage.

Pathfinder retourna à son canot et quitta l’île. Dans le courant de la journée, Rosée-de-Juin entendit une ou deux fois le bruit de sa carabine, et au moment où le soleil allait se coucher il reparut, lui apportant des oiseaux tout apprêtés, et dont le goût et la saveur auraient pu tenter l’appétit d’un épicurien. Ces relations durèrent un mois, Rosée-de-Juin se refusant obstinément à abandonner la tombe de son mari, quoiqu’elle acceptât les offrandes amicales de son protecteur. Quelquefois ils se rencontraient et causaient ; Pathfinder sondait l’état des sentiments de la jeune femme ; mais ces entrevues étaient courtes, et loin d’être fréquentes. Rosée-de-Juin couchait dans une des huttes, et elle reposait sa tête avec sécurité, car elle sentait qu’elle était sous la protection d’un ami, quoique Pathfinder se retirât invariablement chaque soir dans une île voisine où il s’était construit une hutte.

À la fin du mois, la saison était déjà trop avancée pour que cette situation fût tenable. Les arbres avaient perdu leurs feuilles, les nuits étaient froides et venteuses. Il était temps de partir. En ce moment Chingashgook reparut. Il eut dans l’île une entrevue longue et confidentielle avec son ami. Rosée-de-Juin en fut témoin de loin, et elle s’aperçut que son protecteur était dans le chagrin ; se glissant jusqu’à ses côtés, elle essaya d’adoucir sa douleur, avec l’instinct et la douceur d’une femme.

— Merci, Rosée-de-Juin, merci ! dit-il, vous avez de bonnes intentions, mais tout est inutile. Il est temps de quitter ce lieu. Demain nous partirons ; vous viendrez avec nous, car maintenant vous entendez la raison.

Rosée-de-Juin y consentit avec la douceur passive d’une Indienne, et elle se retira pour passer le reste du temps près de la tombe d’Arrowhead sans faire attention à l’heure et à la saison ; la jeune femme ne reposa pas sa tête pendant toute cette nuit d’automne. Elle s’assit près du lieu qui contenait les restes de son mari, et pria à la manière de son peuple, pour ses succès dans la chasse sans fin pour laquelle il était parti depuis si peu