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roïne s’était naturellement portée vers les pensées élevées ; l’étude avait perfectionné la pratique et donnait à son langage une élévation qui n’excluait pas l’élégance. En un mot, Mabel était sous ce rapport un exemple de la facilité avec laquelle s’acquièrent la convenance des idées, la justesse de l’expression et la bienséance du maintien pour ceux mêmes qu’on pourrait supposer n’être pas susceptibles de recevoir de vives impressions de ce genre. Lorsqu’elle s’agenouilla près du lit de son père, son attitude respectueuse et son air de recueillement préparaient déjà les assistants au pieux devoir qu’elle allait remplir ; et quand les sentiments de son cœur s’exprimèrent par des paroles, et que la mémoire vint à leur secours, les prières et les louanges qui s’échappaient de ses lèvres avaient un caractère qu’un chœur d’anges n’eût pas désavoué. Bien que les mots n’en fussent pas servilement commentés, les expressions empreintes de la dignité simple de la liturgie à laquelle elle était habituée, étaient probablement aussi dignes de l’être à qui elles s’adressaient qu’aucune de celles que l’intelligence humaine peut lui offrir. Elles produisirent tout leur effet sur les auditeurs, car il est à remarquer qu’en dépit des effets pernicieux qu’entraîne une longue habitude du mauvais goût, le beau et le sublime sont si intimement alliés à la nature qu’ils trouvent en général un écho dans tous les cœurs.

Mais quand notre héroïne aborda la situation de son père, elle devint encore plus persuasive, parce qu’elle y mettait encore plus de ferveur et de naturel. Sa diction fut aussi pure, mais elle était soutenue par la simple puissance de l’amour, et ses paroles, échauffées par un saint zèle, s’élevaient presque à la hauteur de l’éloquence. Nous pourrions rapporter quelques-unes de ses expressions, s’il ne nous semblait peu convenable de soumettre des sujets si sacrés à une analyse trop familière.

L’effet de cette scène singulière et solennelle ne fut pas le même sur les différents individus qui en étaient témoins. Dunham lui-même fut bientôt absorbé par le sujet de la prière, et il sentit une sensation analogue à celle que pourrait éprouvé un homme qui, chargé d’un lourd fardeau et chancelant au bord d’un précipice, sentirait tout-à-coup le poids s’alléger, et le verrait passer sur des épaules plus capables de le soutenir. Cap était à la fois surpris et stupéfait, bien que l’impression ne fût en lui ni très-profonde ni très-durable. Il s’étonnait un peu de