Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mura le vieux marin, — et il faut avouer aussi que ce garçon conduit son petit bâtiment comme s’il avait été élevé pour être officier de marine. Le diable m’emporte, maître Pathfinder, si je crois, ainsi qu’on me l’a dit, que ce maître Eau-douce ait appris son métier sur cette mare d’eau douce.

— Cela est vrai cependant, il n’a jamais vu l’Océan, et il ne l’a appris que sur l’Ontario. J’ai souvent pensé qu’il a reçu un don naturel en ce qui concerne les schooners et les cutters, et l’ai respecte en conséquence. Quant à la trahison, au mensonge et à la bassesse de cœur, ami Cap, Jasper Western en est aussi incapable que les plus vertueux guerriers des Delawares ; et si vous êtes curieux de voir un véritable honnête homme, il faut aller dans cette tribu pour le trouver.

— Voilà qu’il étale, — s’écria Cap enchanté : le vent prenant en ce moment dans les voiles du Scud. — Nous allons voir maintenant ce qu’il veut faire ; il n’a pas l’intention, je crois, de continuer à aller ainsi en avant et en arrière, comme une jeune fille figurant dans une contredanse.

Pendant un instant, l’abatée du Scud fut si grande, que les deux observateurs craignirent un moment que Jasper n’eût l’intention de mettre en panne ; et les sauvages, dans leurs repaires, le regardèrent avec cette joie cruelle que doit éprouver le tigre, lorsqu’une victime sans défiance s’approche de sa tanière. Mais Jasper n’avait point une intention semblable ; connaissant parfaitement le rivage et la profondeur de l’eau sur toutes les côtes de l’île, il savait que le Scud pouvait sans danger friser les accores de la côte, et il s’aventura si près qu’en traversant la petite crique, il détacha les amarres des deux bateaux des soldats et les remorqua en pleine eau à la suite du cutter. Comme toutes les pirogues étaient amarrées aux deux bateaux de Dunham, par cette entreprise hardie, et qui eut un plein succès, les sauvages se trouvèrent privés de tout moyen de quitter l’île à moins que ce ne fût à la nage, et ils parurent aussitôt convaincus de ce fait important. Ils se levèrent en masse, remplirent l’air de leurs cris et firent feu sans pouvoir blesser personne. Aussitôt qu’ils furent debout oubliant toute précaution, deux coups de fusil furent tirés par leurs adversaires. L’un partait du toit du fort, et un Iroquois tomba mort, frappé au crâne ; l’autre du Scud tiré par le Delaware, dont la main, moins sûre que celle de son ami, avait seulement estropié un sauvage pour le reste de sa vie. L’é-