Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dra soin de la sûreté d’une fille pieuse. Il ne tombera pas un cheveu de sa tête tant que j’aurai le bras et l’œil sûrs. Vous paraissiez croire à l’honneur des Mingos, vous, maître Muir, mais moi je n’ai en eux aucune confiance. Vous avez parmi vous un coquin de Tuscarora qui possède assez de malice et d’artifice pour perdre de réputation toute tribu à laquelle il se joint ; mais je crois que chez les Mingos il avait trouvé l’affaire déjà faite. En voilà assez ; maintenant que chaque parti fasse usage de ses moyens et des dons qu’il a reçus.

Pendant ce dialogue, Pathfinder s’était tenu à couvert, dans la crainte qu’une balle ne fût dirigée contre la meurtrière. Il fit signe à Cap de monter sur le toit afin d’être prêt au premier assaut. Bien que ce dernier eût fait grande diligence, il ne trouva pas moins de dix flèches enflammées dans le toit d’écorce. Aussitôt les airs se remplirent des cris et des hurlements des ennemis ; une décharge de mousquet suivit, et le choc des balles contre les troncs d’arbres avertit chacun que le siège était sérieusement commencé.

Ce bruit n’alarma ni Pathfinder, ni Cap, et Mabel était trop absorbée dans son affliction pour sentir aucun effroi ; elle avait d’ailleurs assez d’expérience pour apprécier les moyens de défense et leur importance. Quant à son père, ce bruit familier à ses oreilles le rappelait à la vie ; et dans un tel moment sa fille vit avec douleur que ses yeux éteints se ranimaient, et que le sang revenait colorer des joues qu’il avait abandonnées, tandis qu’il écoutait ce bruit de guerre. Mabel s’aperçut alors que la raison de son père commençait à s’égarer.

— Faites avancer les compagnies légères, — murmura-t-il, que les grenadiers chargent ! Osent-ils nous attaquer dans notre forteresse ? Pourquoi l’artillerie n’éclaircit-elle pas leurs rangs ?

Au moment même, on entendit le bruit retentissant d’un coup de canon et le craquement du mur de bois du fort ; une bombe déchira le bois, et tout le bâtiment trembla quand elle pénétra dans l’étage supérieur, Pathfinder y échappa presque miraculeusement ; mais au moment de l’explosion Mabel ne put retenir un cri d’effroi, car elle supposa que tout ce qui était au-dessus de sa tête, les hommes comme le bâtiment, avait péri. Pour augmenter l’horreur de ce moment, son père s’écria d’une voix tonnante : « Chargez ! »

— Mabel, — dit Pathfinder, qui mit sa tête à l’ouverture de