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le toit au moyen d’une trappe, d’où elle obtenait une vue étendue du pays, rapporta que toute la troupe s’était réunie pour prendre un repas sur un point éloigné et abrité de l’île, ou Muir et Cap partageaient tranquillement la bonne chère, comme s’ils n’eussent aucune préoccupation dans l’esprit. Cette information fut pour Mabel un grand soulagement, et elle commença à songer au moyen de s’échapper elle-même, ou plutôt de faire connaître à son père le danger qui le menaçait. Elle attendait le sergent dans l’après-midi, et elle savait qu’une minute gagnée ou perdue pouvait décider de son sort.

Trois ou quatre heures s’écoulèrent. L’île fut enveloppée de nouveau dans un profond silence, le jour baissait et Mabel ne décidait rien. Sa compagne était en bas préparant leur repas frugal, et Mabel était montée à son tour sur le toit d’où elle commandait la vue la plus étendue de toutes les parties de l’île, mais limitée et obstruée, dans quelques endroits, par la cime des arbres. La pauvre fille, malgré son inquiétude, n’osait pas se mettre entièrement à découvert, sachant bien que la cruauté des sauvages était sans frein et qu’un deux pourrait fort bien lui envoyer une balle. Elle avançait seulement la tête au-dessus de la trappe, et dans l’après-midi elle inspecta aussi souvent les différents passages qui conduisaient à l’île, — qu’Anne, ma sœur Anne, les environs du château de Barbe-Bleue.

Le soleil s’était couché ; aucun indice n’annonçait l’arrivée des bateaux, et Mabel monta encore sur le toit pour jeter un dernier regard, espérant que son père et son détachement arriveraient dans l’obscurité, ce qui rendrait l’embuscade des Indiens peut-être moins fatale que pendant le jour, et ce qui lui permettrait aussi de donner quelques signaux plus visibles par le moyen du feu. Ses yeux avaient fait attentivement tout le tour de l’horizon, et elle était sur le point de se retirer, quand un objet nouveau frappa son attention. Les îles formaient un groupe si serré, qu’on pouvait apercevoir entre elles six ou huit différents canaux ou passages. Dans un de ceux qui se trouvaient le plus abrités, et cachés en partie par les buissons croissant sur le rivage, Mabel crut entrevoir une pirogue ; un second regard l’assura qu’elle ne se trompait pas ; elle contenait un être humain sans aucun doute. Convaincue que si c’était un ennemi son signal ne pourrait produire aucun mal, tandis qu’il en résulterait un bien si c’était un ami, elle agita vers étranger un petit drapeau qu’elle avait