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n’avaient rien à craindre de cet objet si menaçant pour les sauvages, ils gardèrent leurs places.

— Soyez prudente, jolie Mabel, soyez prudente ! s’écria Muir, et ne provoquez pas un combat inutile. Au nom de tous les rois d’Albion, qui donc est renfermé avec vous dans cette forteresse de bois, et dont les intentions semblent si sanguinaires ? Il y a de la magie dans cette affaire, et pour notre réputation à tous il faut une explication.

— Que pensez-vous de Pathfinder pour garnison dans un poste déjà aussi fort par lui-même ? maître Muir, s’écria Mabel ayant recours à une équivoque que les circonstances rendaient excusable ; qu’est-ce que vos compagnons français et indiens pensent de la justesse de la carabine de Pathfinder ?

— Soyez charitable aux malheureux, jolie Mabel, et ne confondez pas les serviteurs du roi, que Dieu le bénisse ainsi que son royal lignage, et les ennemis du roi. Si Pathfinder est réellement dans le fort, qu’il parle et nous suivrons nos négociations directement avec lui. Il nous connaît comme ses amis, et nous ne craignons rien de sa part ; moi surtout, car pour un esprit généreux, la rivalité en certains intérêts est un sûr garant d’égards et d’amitié, puisque l’admiration qu’on a pour la même femme est une preuve de sympathie dans les sentiments et dans les goûts.

Cette conviction de l’amitié de Pathfinder ne s’étendit pas néanmoins plus loin que le quartier-maître et Cap ; l’officier français lui-même, qui jusque-là avait fait si bonne contenance, recula en entendant prononcer ce terrible nom. Cet homme dont les nerfs étaient de fer, et qui était depuis long-temps habitué aux dangers d’une guerre semblable à celle qu’il faisait, éprouva une grande répugnance à rester exposé au feu de Tue-daim, dont la réputation sur toute la frontière était aussi bien établie que celle de Marlborough en Europe ; et il ne dédaigna pas de se mettre à couvert, insistant pour que les deux prisonniers le suivissent. Mabel était trop contente d’être débarrassée de ses ennemis pour se chagriner du départ de ses alliés, quoiqu’elle envoyât un baiser de la main à Cap à travers la meurtrière, et quelques paroles d’affection tandis qu’il s’en allait lentement et de mauvaise volonté.

L’ennemi parut alors disposé à abandonner toute tentative sur le fort pour le présent, et Rosée-de-Juin, qui était montée sur