Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trice avec un mouvement des lèvres qui était presque un sourire sur son visage dur et repoussant.

— J’en ai lu quelque chose, caporal, mais j’en ai entendu dire bien davantage. La dame qui m’a élevée avait du sang écossais dans les veines, et ce sujet d’entretien lui plaisait.

— Sans doute le sergent n’a pas pris la peine de s’occuper du renom de la contrée où son régiment a été élevé ?

— Mon père a à penser à d’autres choses. Le peu que j’ai appris m’a été enseigné par la dame dont je viens de parler.

— Elle n’a pas oublié de vous parler de Wallace ?

— J’ai même lu beaucoup de détails de sa vie.

— Elle vous a parlé de Bruce, de l’affaire de Bannok-Burn ?

— Certainement, aussi bien que de celle de Culloden-Muir. — La dernière de ces batailles était alors un fait récent ; c’était un des souvenirs de notre héroïne, qui n’en conservait cependant qu’une idée si confuse, qu’elle appréciait à peine l’effet que son allusion pouvait produire sur son compagnon. Elle savait que c’était une victoire, et elle avait souvent entendu les hôtes de sa protectrice en parler avec l’accent du triomphe ; elle se figura que ce sentiment trouverait un écho sympathique dans tous les soldats de la Grande-Bretagne. Par malheur Mac-Nab était, dans cette journée, du côté du prétendant, et une profonde cicatrice qui sillonnait son visage était l’œuvre du sabre d’un soldat allemand au service de la maison de Hanovre. Il crut, en écoutant Mabel, que sa blessure saignait de nouveau ; et il est certain qu’à voir la rapidité avec laquelle son sang reflua sur ses joues on aurait pu penser qu’il voulait s’ouvrir un passage par la cicatrice.

— Assez, assez ! — s’écria-t-il ; — laissez votre Culloden et votre Sherrif-Muir, jeune femme ; vous ne comprenez nullement ce sujet, et vous ferez preuve non-seulement de sagesse mais de modestie en parlant de votre propre pays et de ses nombreux défauts ! Le roi George a sans doute quelques sujets loyaux dans les colonies, mais il se passera long-temps avant qu’il en voie ou qu’il en entende sortir quelque chose de bon.

La chaleur du caporal étonna Mabel, car elle ne soupçonnait pas le moins du monde ce qui l’avait blessé, mais elle était déterminée à ne pas battre en retraite.

— J’ai toujours entendu dire, — reprit-elle, — que les Écossais possèdent surtout deux excellentes qualités pour les soldats