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— Je ne dis pas cela et je ne dis pas non plus le contraire. La guerre n’est jamais sans dangers, et ils sont plus grands encore aux postes avancés que dans le corps principal de l’armée. Une visite des Français n’aurait donc rien qui dût nous surprendre.

— Que diable faudrait-il faire en pareil cas ? Six hommes et deux femmes feraient une pauvre figure en défendant un lieu semblable à celui-ci. Nul doute que les Français n’eussent soin de venir en bon nombre.

— Nous pouvons y compter. — Quelque force tout au moins formidable. — Certes on peut défendre l’île en suivant les règles de la tactique, bien qu’il soit possible que nous manquions des forces nécessaires pour nous faire respecter. D’abord un détachement devrait être envoyé sur la côte avec l’ordre de harceler l’ennemi quand il voudra débarquer ; un corps considérable devrait aussitôt être placé dans le fort, car c’est sur ce point que les différents détachements se retireront à mesure que les Français avanceront. Un camp retranché pourrait aussi être établi autour de la forteresse ; il serait contre tous les principes de l’art militaire de laisser l’ennemi s’approcher assez près des murailles pour les miner. Des chevaux de frise tiendraient la cavalerie en échec ; et quant à l’artillerie, des redoutes seraient construites à l’abri de ces bois. Des compagnies de voltigeurs seraient de plus fort utiles pour resserrer la marche des assaillants, et ces huttes, si elles étaient entourées de fosses, deviendraient des positions très-avantageuses.

— À merveille, quartier-maître ; mais où diable trouver les hommes nécessaires pour exécuter ce plan ?

— C’est au roi à s’en occuper, maître-Cap ; c’est son affaire, sa querelle ; il est juste qu’il en porte le fardeau.

— Et nous ne sommes que six ! Voilà, sur ma foi, de beaux projets ! On peut vous détacher sur la rive pour vous opposer à la descente ; Mabel pourra nous aider avec sa langue, au moins ; la femme du soldat jouera le rôle des chevaux de frise ; le caporal commandera le camp fortifié ; ses trois hommes occuperont les cinq huttes, et moi je prendrai possession du fort. Corbleu ! vous décrivez bien, lieutenant, et vous auriez dû vous faire peintre au lieu de soldat.

— Non, j’ai exposé l’affaire littéralement telle qu’elle est. C’est la faute des ministres de Sa Majesté et non pas la mienne, si nous n’avons pas les moyens de mettre ce plan à exécution.