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tous les êtres animés. Elle fut salutaire à Mabel, qui sentait son cœur se serrer en pensant aux dangers que courait un père qu’elle commençait à aimer comme une femme sait aimer, lorsqu’elle a accordé sa confiance.

L’île semblait alors tout-à-fait déserte. Le tumulte de l’arrivée la nuit précédente, lui avait donné une apparence de vie maintenant entièrement évanouie ; et notre héroïne cherchait en vain la trace d’une créature humaine. Enfin elle aperçut ses compagnons réunis autour du feu. La vue de son oncle qu’elle connaissait si bien dissipa la légère terreur inspirée par le sentiment d’une solitude absolue, et elle continua son examen avec la curiosité naturelle dans sa situation. Le groupe se composait, outre Cap et le quartier-maître, du caporal, de trois soldats et de la femme qui s’occupait de préparer le repas. Les huttes étaient silencieuses et vides ; le haut du fort faisait, malgré son peu d’élévation, l’effet d’une tour au milieu des buissons qui le cachaient à demi. Le soleil versait des flots de lumière sur les portions découvertes de la vallée ; le ciel était sans nuages, et il semblait que cette nature si paisible et si belle était un gage de sécurité.

Voyant que chacun était occupé à la grande affaire de l’humanité, le déjeûner, Mabel s’avança sans être observée, vers une extrémité de l’île où les arbres et les buissons la dérobaient aux regards ; elle pénétra jusqu’au bord de l’eau en écartant les branches les plus basses, là elle s’arrêta les yeux fixés sur le flux et reflux de la vague légère qui effleurait la côte, — sorte d’écho, pour ainsi dire, de l’agitation qui régnait sur le lac à cinquante milles plus loin. La scène qui se déployait était douce et attrayante, et notre héroïne, qui avait le sentiment de ce qui est beau, saisit promptement les traits les plus frappants du paysage. En regardant les divers points de vue formés par les ouvertures entre les îles, elle pensa que rien d’aussi séduisant ne s’était encore présenté à elle.

Pendant qu’elle était ainsi occupée, Mabel fut tout d’un coup alarmée en croyant voir l’ombre d’une forme humaine parmi les buissons qui bordaient la côte de l’île qui était en face d’elle. La distance n’était pas d’une cinquantaine de toises, et, bien qu’elle fût distraite au moment où cette forme avait passé, elle ne pensait pas s’être trompée. Convaincue que son sexe ne la protégerait pas contre une balle, si un Iroquois l’apercevait, elle se re-