Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une erreur, quand elle serait aussi visible que l’étoile du matin.

Le quartier-maître continua à raisonner avec son compagnon pour l’engager à quitter l’île sans délai, employant tous les arguments qui se présentaient à son esprit, et faisant quelquefois valoir des motifs qui étaient en contradiction directe avec d’autres dont il avait déjà fait usage. Tout simple qu’il était, Pathfinder découvrit les vices des raisonnements du lieutenant, quoiqu’il fût loin de soupçonner que Muir n’avait d’autre but que de se débarrasser d’un amant de Mabel. Il répondit à de mauvaises raisons par de bonnes ; la connaissance qu’il avait de tous les devoirs dont il était chargé le mit en état de résister à tous les conseils qui n’y étaient pas conformes, et, suivant son usage, il ferma l’oreille à tout ce qui n’était pas d’accord avec la droiture et l’intégrité. Sans soupçonner les desseins secrets du lieutenant, il ne se laissa point abuser par ses sophismes. Il en résulta qu’après une longue conversation, ils se séparèrent avec une méfiance mutuelle l’un de l’autre ; mais celle du guide avait sa source dans son caractère franc, honnête et désintéressé.

Une conférence, qui eut lieu peu après entre le sergent et le lieutenant, eut des suites plus importantes. Quand elle fut terminée, des ordres secrets furent donnés aux soldats, qu’on distribua les uns dans le fort, les autres dans les huttes, et un homme accoutumé aux mouvements militaires aurait facilement découvert qu’une expédition se préparait. Quand le soleil se fut couché, le sergent, qui avait été fort occupé dans ce qu’on appelait le port, rentra dans sa hutte avec Cap et Pathfinder, et ayant pris sa place à table pour souper, il commença ainsi qu’il suit il faire connaître les nouvelles qu’il avait à annoncer :

— À la manière dont ce souper est ordonnancé, ma fille, on voit qu’il est probable que vous pourrez être ici de quelque utilité, et j’espère que lorsque le moment en sera arrivé, vous ferez voir que vous descendez de gens qui savaient faire face à l’ennemi.

— Vous n’attendez pas de moi, mon père, que je conduise vos soldats au combat comme Jeanne d’Arc ?

— Comme qui, mon enfant ? — Connaissez-vous quelqu’un qui porte ce nom, Pathfinder ?

— Personne, sergent ; mais qu’importe ? je suis ignorant et sans éducation, et j’ai trop de plaisir à entendre le son de la voix de Mabel, pour n’inquiéter beaucoup du nom de personne.