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Passer devant ce bâtiment était impossible, car, en portant plus de voiles, il aurait pu couper la route du Scud en quelques minutes, et les circonstances exigeaient une prompte décision. Après une courte consultation, le sergent changea encore une fois de projet, et résolut de gagner le plus promptement possible le poste qui était sa première destination, se fiant sur la vitesse du cutter pour laisser l’ennemi en arrière de manière à ce qu’il ne pût avoir connaissance de ses mouvements.

Le Scud déploya toutes ses voiles et s’orienta au plus près du vent dans le plus court délai possible. On tira les canons du fort, et les remparts furent couverts de soldats. Mais ces démonstrations inutiles étaient tout ce que Lundie pouvait faire en faveur du cutter. De son côté, le Montcalm tira aussi quelques coups de canon par bravade, arbora le pavillon français, et se mit en chasse sous toutes voiles possibles.

Pendant plusieurs heures, les deux bâtiments fendirent l’eau avec toute la rapidité possible, courant de courtes bordées au vent pour conserver le port sous leur vent, l’un pour tâcher d’y entrer, l’autre pour lui en couper la route.

À midi, on ne voyait plus que le sommet des mâts du bâtiment français sous le vent du cutter, le premier n’étant pas à beaucoup près aussi bon voilier que le second au plus près du vent ; et le Scud avait en avant quelques îles derrière lesquelles Jasper pensa qu’il serait possible de passer pour cacher à l’ennemi les mouvements futurs du cutter. Quoique Cap, le sergent, et surtout le lieutenant Muir, à en juger par ses discours, se méfiassent encore beaucoup du jeune marin, et qu’on ne fût pas très-loin de Frontenac, cet avis fut suivi, car le temps pressait, et le quartier-maître observa sagement que Jasper ne pouvait guère les trahir sans entrer ouvertement dans le port ennemi, ce qu’ils seraient toujours à temps d’empêcher, puisque le seul croiseur que les Français eussent en ce moment sur le lac était sous le vent à eux, et par conséquent ne pouvait leur nuire pour le moment.

Libre d’exécuter son projet, Jasper fit bientôt voir ce qu’il était en état de faire. Il passa derrière les îles, les laissa à l’ouest et s’en éloigna, n’ayant rien en vue ni dans ses eaux, ni sous le vent. Au coucher du soleil, le cutter rencontra la première des îles qui se trouvent dans le grand détroit formant de ce côté la sortie du lac, et avant qu’il fît nuit, il avançait dans les étroits