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sud, et le cap du bâtiment était tourné vers la côte méridionale dans la vue de se reporter à l’est le plus tôt possible. La nuit suivante fut calme ; et le sommeil de ceux qui se couchèrent, profond et tranquille.

Il y eut quelque difficulté relativement au commandement du cutter, car il existait encore de la méfiance contre Jasper ; mais l’affaire se termina par un arrangement fait à l’amiable. Cap conserva un pouvoir de surveillance, et le jeune homme fut chargé de commander les manœuvres, mais sauf le contrôle et l’approbation du vieux marin. Jasper y consentit plutôt que d’exposer Mabel à de nouveaux dangers ; car, à présent que la tempête était calmée, il ne doutait pas que le Montcalm ne se mît à la recherche du Scud. Il eut pourtant la discrétion de ne pas faire connaître ses craintes à cet égard, car le fait était que les mesures qu’il croyait les plus propres à échapper à l’ennemi, étaient précisément celles qui pouvaient éveiller de nouveaux soupçons contre lui dans l’esprit de ceux qui avaient le pouvoir de contre-carrer ses projets. Jasper croyait que le jeune et brave officier français qui commandait le Montcalm quitterait son mouillage sous le fort du Niagara dès que le vent le permettrait, et remonterait le lac pour s’assurer de ce que le Scud était devenu, en tenant le milieu du lac afin d’embrasser du regard une plus grande étendue d’eau ; et il pensait que, de son côté, le plus prudent était de longer la côte, non seulement pour éviter la rencontre du bâtiment ennemi, mais encore parce qu’il aurait une chance de passer sans être aperçu, si ses mâts et ses agrès se confondaient dans l’éloignement avec les objets qui étaient sur le rivage. Il préférait la côte du sud parce que c’était celle du vent, et celle que l’ennemi s’imaginerait moins qu’il suivrait, parce qu’elle conduisait nécessairement près des établissements français, et qu’il aurait à passer devant un des postes les plus forts que la France occupait dans cette partie du monde.

Heureusement Cap ignorait tout cela, et l’esprit du sergent était trop occupé des détails de la mission militaire qu’il avait à remplir, pour songer à ceux qui appartenaient plus particulièrement à une autre profession. Personne ne mit donc opposition aux desseins de Jasper, et avant le matin il avait tranquillement repris peu à peu toute son autorité, donnait ses ordres sans consulter personne, et l’équipage y obéissait avec confiance et sans hésiter.