Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de se méprendre à l’admiration ardente qui était peinte dans tous les traits de sa physionomie ingénue.

— Je me suis souvent cru heureux, Mabel, lorsque je parcourais les bois après une heureuse chasse, respirant l’air pur des montagnes, et plein de vigueur et de santé ; mais je sens à présent que ce n’était que sottise et vanité près du plaisir que j’aurais à savoir que vous avez meilleure opinion de moi que de beaucoup d’autres.

— Oui, sans doute, Pathfinder, j’ai meilleure opinion de vous que de beaucoup d’autres. Je ne sais même si je ne devrais pas dire que j’en ai une meilleure que de qui que ce soit ; car je sais à peine en qui l’on pourrait trouver plus de véracité, dé justice, d’honnêteté, de courage et de simplicité.

— Ah ! Mabel, de telles paroles dans votre bouche sont douces et encourageantes ; et le sergent, après tout, ne se trompait pas autant que je le craignais.

— Au nom de tout ce qu’il y a de plus sacré, Pathfinder, qu’il n’y ait pas de méprise entre nous dans une affaire si importante ! Je vous estime et je vous respecte presque autant que mon propre père ; mais il est impossible que je devienne jamais votre femme ; que je…

Le changement qui s’opéra sur les traits du guide fut si grand et si subit, que dès que Mabel vit sur la physionomie de son compagnon l’effet produit par ce qu’elle venait de dire, elle s’interrompit à l’instant, malgré le vif désir qu’elle avait de s’expliquer très-clairement ; car la répugnance qu’elle avait à causer quelque peine à un de ses semblables suffisait pour lui fermer la bouche. Tous deux furent quelques minutes sans parler. Le désappointement de Pathfinder allait presque jusqu’à l’angoisse ; il semblait étouffer, et il porta la main à son cou comme, s’il eût voulu apporter du soulagement à quelque souffrance physique. Mabel fut alarmée des mouvements presque convulsifs dont il était agité.

— Pathfinder, — s’écria-t-elle, — je puis m’être exprimée plus fortement que je n’en avais l’intention, car une pareille chose est possible, et l’on dit que les femmes ne sont jamais bien sûres de ce qu’elles veulent. Ce que je désirais vous donner à entendre, c’est qu’il n’est pas probable que vous et moi nous devions jamais penser l’un à l’autre sous le point de vue du mariage.

— Je n’y pense pas, — je n’y penserai jamais plus, Mabel,