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jeune homme, nous nous entendrons en parlant comme deux francs marins. — Connaissez-vous quelque port sous notre vent ?

— Il n’en existe aucun. — Il y a une grande baie à cette extrémité du lac, mais personne de nous ne la connaît, et il est très-difficile d’y entrer.

— Et cette côte sous le vent, elle n’a rien de particulier pour la recommander, je suppose ?

— C’est un désert jusqu’à l’embouchure du Niagara d’un côté, et jusqu’à Frontenac de l’autre. On m’a dit qu’au nord et à l’ouest on ne trouve pendant mille milles que forêts et prairies.

— Dieu soit loué ! En ce cas il ne peut s’y trouver de Français. — Et y a-t-il beaucoup de sauvages dans ces environs ?

— Les Indiens se trouvent partout, quoiqu’ils ne soient nulle part très-nombreux. On peut en rencontrer par hasard une troupe sur quelque point que ce soit de la côte, et l’on pourrait y passer des mois sans en voir un seul.

— Il faut donc en courir la chance, quant à ces misérables. Mais pour vous parler franchement, maître Western, si cette petite affaire désagréable avec les Français n’avait pas eu lieu, quel parti prendriez-vous à présent à l’égard du cutter ?

— Je suis beaucoup plus jeune marin que vous, maître Cap, répondit Jasper, — et je ne puis guère me permettre de vous donner un avis.

— Bien, bien, nous savons tout cela. Dans un cas ordinaire cela pourrait être, mais le cas présent sort de l’ordre commun ; c’est une circonstance, et une circonstance qui, sur cette mare d’eau douce, offre ce qu’on peut appeler des particularités. Ainsi donc, tout bien considéré, vous pourriez donner un avis même à votre père. Dans tous les cas vous pouvez parler, et je jugerai de vos opinions d’après mon expérience.

— Je crois, monsieur, qu’avant que deux heures se soient écoulées, le cutter devra jeter l’ancre.

— Jeter l’ancre ! — sur ce lac ! — ici !

— Non, monsieur ; — plus loin, la-bas, près de la terre.

— Vous ne voulez pas dire, maître Eau-douce, que vous jetteriez l’ancre près d’une côte sous le vent pendant un ouragan ?

— C’est précisément ce que je ferais, monsieur, si je voulais sauver mon bâtiment.