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parler ; mais nous connaissons tous les distances, car nous les mesurons d’une pointe à une autre ; et pour le compas, je puis vous en nommer tous les points : — nord, nord quart nord-est, nord nord-est, nord-est quart de nord, nord-est, nord-d’est quart d’est, est…

— Assez, assez ! vous amènerez un changement de vent, si vous continuez de cette manière. — Je vois clairement, sergent, — ajouta-t-il en baissant la voix et en l’emmenant d’un autre côté, — que nous n’avons rien à attendre de ce drôle. Je continuerai à courir cette bordée encore une couple d’heures, ensuite nous mettrons en panne ; nous consulterons la sonde, et nous nous gouvernerons suivant les circonstances.

Le sergent, qui, pour forger un mot, était fort idiosyncraniste, n’y fit aucune objection, et comme le vent avait faibli, ce qui arrive souvent à mesure que la nuit avance, et qu’il n’y avait aucun obstacle immédiat à la navigation, il prit pour lit une voile jetée sur le pont et dormit bientôt du sommeil profond d’un soldat. Cap continua à se promener sur le pont, car c’était un homme dont le corps de fer défiait la fatigue, et il ne ferma pas les yeux de toute la nuit.

Il faisait grand jour quand le sergent s’éveilla, et l’exclamation qui lui échappa en se levant quand il eut regardé autour de lui, fut d’un ton plus haut qu’il n’était ordinaire à un homme trop bien dressé pour souffrir qu’on l’entendît. Le temps était entièrement changé, la vue arrêtée par des vapeurs errantes qui bornaient l’horizon visible au diamètre d’environ un mille, l’eau du lac en fureur et couverte d’écume, et le Scud avait mis à la cape. Une courte conversation avec son beau-frère l’initia dans le secret de tous ces changements soudains.

D’après le compte que Cap lui rendit, le vent avait fait place à un calme vers minuit, à l’instant où il pensait à mettre en panne pour sonder, car quelques îles commençaient à se montrer en avant. À une heure le vent commença à souffler du nord-est, accompagné d’une forte bruine, et il avança vers le nord-ouest, sachant que la côte de New-York était dans la direction opposée. À une heure et demie il serra le grand foc, prit un ris dans la brigantine et en fit autant dans le grand foc. À deux heures il fut obligé de prendre un second ris dans la brigantine. Enfin à deux heures et demie il avait pris le ris de cape à la brigantine et mis à la cape.