Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous devez voir, Mabel, que M. Muir ne s’occupe ici que de vous.

Mabel ne répondit, rien ; son instinct de femme lui avait déjà appris qu’elle était un objet d’admiration pour le quartier-maître, mais elle n’avait jamais supposé qu’il la portât au point dont parlait Jasper. Elle avait aussi soupçonné, d’après quelques discours de son père, qu’il songeait sérieusement à la marier, mais nul raisonnement n’aurait pu la porter à en conclure qu’il avait fixé son choix sur M. Muir. Elle ne le croyait même pas encore, quoiqu’elle fût loin de soupçonner la vérité. Son opinion était que les remarques accidentelles que son père avait faites en causant avec, elle, et dont, elle avait été frappée, prenaient leur source dans, un désir général de la voir établie, plutôt que dans un sentiment de préférence pour un individu particulier. Elle renferma pourtant ces pensées dans son cœur, car le respect pour elle-même et la réserve naturelle à son sexe lui firent sentir que les convenances ne permettaient pas qu’elle continuât plus long-temps une pareille discussion avec un jeune homme comme Jasper. Après un intervalle de silence assez long pour devenir embarrassant pour les deux parties, elle lui dit donc, afin de changer de conversation :

— Une chose dont vous pouvez être bien certain, Jasper, — et c’est la seule chose qu’il me reste à dire à ce sujet, — c’est que le lieutenant Muir, fût-il colonel, ne sera jamais le mari de Mabel Dunham ; — et maintenant parlez-moi de votre voyage. Quand finira-t-il ?

— Cela est incertain ; une fois sur l’eau, nous sommes à la merci du vent et des vagues. Pathfinder vous dira que celui qui commence à chasser le daim le matin, ne peut assurer où il passera sera la nuit.

— Mais nous ne chassons pas un daim, et nous ne sommes pas au matin ; ainsi l’axiome de Pathfinder ne nous est pas applicables.


— Quoique nous ne chassions pas un daim, nous cherchons un but qui peut être aussi difficile à atteindre. Je ne puis vous en dire plus que je ne vous en ai déjà dit, car notre devoir est d’avoir la bouche close. Je crains pourtant de ne pas vous garder assez long-temps, à bord du Scud pour vous montrer ce qu’il est en état de faire en pas de besoin.

— Je crois qu’une femme qui épouse un marin est peu sage, — dit tout-à-coup Mabel, et presque involontairement.