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occasion de converser en cette langue avec un pilote, je n’y attacherais pas tant d’importance, quoiqu’on doive toujours voir avec soupçon, même sur l’Océan, un marin qui la connaît trop bien ; mais ici, sur l’Ontario, je pense que c’est une circonstance très-suspecte.

— Mais il faut, — dit Pathfinder, — que Jasper parle français aux gens qui habitent la côte opposée, ou qu’il garde le silence, puisqu’il ne s’y trouve que des Français.

— Vous n’avez pas dessein, Pathfinder, de me dire que la France est là-bas sur la côte opposée, — s’écria Cap, poussant son pouce par-dessus son épaule dans la direction du Canada ; qu’un côté de cet étang d’eau douce est la province d’York, et que l’autre est le royaume de France ?

— Je veux dire que c’est ici la province d’York, et que là-bas c’est le Haut-Canada ; — que de ce côté, on parle anglais, hollandais et indien ; et de l’autre français et indien. Les Mingos eux-mêmes ont pris plusieurs mots français dans leur dialecte, et ce n’est pas un perfectionnement.

— Rien n’est plus vrai. Et quelle sorte de gens sont les Mingos ? — demanda le sergent en appuyant une main sur l’épaule de son ami, pour donner plus de poids à une remarque dont la vérité avait un grand prix à ses yeux ; — personne ne le sait mieux que vous, et je vous demande quelle sorte de gens ils sont.

— Jasper n’est pas un Mingo, sergent ?

— Il parle français, et il pourrait bien être Mingo à cet égard.

— Frère Cap, ne pouvez-vous pas rappeler quelque mouvement de ce malheureux jeune homme dans l’exercice de sa profession ce soir, qui semble indiquer un projet de trahison ?

— Pas distinctement, sergent, quoique, pour la moitié du temps, il ait commencé toute sa besogne par le mauvais bout. Il est vrai que, voyant un de ses hommes lover une manœuvre à rebours, je demandai à Jasper ce qu’il faisait, et qu’il me répondit que cet homme cueillait une corde. Je ne prétends pas que cela voulût dire quelque chose, car c’est peut-être ainsi que les Français appellent lover une manœuvre ; et j’ose dire qu’ils lovent du mauvais sens la moitié de leurs manœuvres courantes. Ensuite Jasper lui-même amarra la drisse du foc dans le gréement, au lieu de l’amarrer à un taquet du mât, comme cela se pratique, — au moins dans la marine anglaise.