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— En ce cas, vous allez vous trouver en pays de connaissance ; quoique je ne comprenne pas comment vous avez jamais pu y arriver de l’Océan. Quoi qu’il en soit, il est bon que vous sachiez que les grands lacs forment une chaîne, l’eau passant de l’un dans l’autre depuis l’Érié, qui est une nappe d’eau à l’ouest aussi grande que l’Ontario. Eh bien ! l’eau sort de l’Érié et arrive à une petite montagne par-dessus laquelle elle passe…

— Je voudrais bien savoir comment diable elle peut le faire.

— Fort aisément, maître Cap, — répondit Pathfinder en riant à sa manière. Si j’avais dit que l’eau montait sur la montagne, c’eût été contre nature ; mais nous ne regardons, pas comme une grande affaire pour l’eau de descendre d’une montagne, — j’entends pour l’eau douce.

— Bien, bien ; mais vous parlez de l’eau d’un lac descendant du haut d’une montagne ; c’est à quoi la raison montre les dents, si la raison a des dents.

— Nous ne disputerons pas là-dessus ; mais ce que j’ai vu, je l’ai vu. J’ignore si la raison a des dents, mais la conscience en a, et elles savent se faire sentir. Après être arrivée dans l’Ontario, toute l’eau de tous les lacs passe dans la mer par le moyen d’une rivière ; et dans la partie la plus étroite, où l’eau n’est ni lac ni rivière, sont les îles en question. Or, Frontenac est un poste des Français au-dessus de ces mêmes îles, et comme ils occupent un fort en dessous, ils font remonter leurs provisions et leurs munitions par la rivière jusqu’à Frontenac, pour les distribuer aux sauvages le long des bords de l’Ontario et des autres lacs, afin de les mettre en état de faire leurs diableries et d’enlever des chevelures chrétiennes.

— Et notre présence empêchera-t-elle ces horreurs ? demanda Mabel.

— Peut-être oui, peut-être non ; comme la Providence le voudra. Lundie, comme on appelle le commandant de cette garnison, a envoyé un détachement aux Mille-Îles pour intercepter quelques-unes des barques françaises, et c’est pour la seconde fois qu’on va le relever. Jusqu’à présent ils n’ont pas fait grand-chose, quoiqu’on ait pris deux bateaux chargés de divers objets pour les Indiens. Mais la semaine dernière il est arrivé un messager qui a apporté de telles nouvelles que le major a résolu de faire un dernier effort pour surprendre ces coquins. Jasper connaît la route, et nous serons en bonnes mains, car le sergent est pru-