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tre, et je crains que la fille ne voie pas un simple et ignorant chasseur d’un œil aussi favorable que le père.

— Bon, bon, vous ne vous connaissez pas vous-même, Pathfinder, et vous pouvez vous en rapporter à mon jugement. D’abord, vous avez de l’expérience, et comme c’est principalement ce qui manque à toute jeune fille, nulle jeune fille ayant de la prudence ne peut manquer de faire attention à cette qualité. Ensuite vous n’êtes pas un de ces fats qui se donnent des airs, du moment qu’ils ont rejoint le régiment ; vous êtes un homme qui avez vu du service, et vous en portez les marques. J’ose dire que vous avez été exposé au feu trente ou quarante fois, en comptant les escarmouches et les embuscades.

— Tout cela est vrai, sergent, tout cela est vrai. Mais à quoi cela me servira-t-il pour gagner le cœur d’une jeune fille ?

— Cela vous vaudra le gain de la journée. L’expérience est aussi utile en amour qu’en guerre. D’ailleurs, vous êtes un sujet du roi aussi honnête et aussi loyal qu’aucun dont il puisse se vanter ; — que Dieu le protége !

— Cela peut être aussi, sergent, cela peut être ; mais je crains que je ne sois trop brusque, trop âgé, trop sauvage, pour gagner le cœur d’une jeune fille comme Mabel, qui n’est pas habituée à nos manières de la forêt, et qui peut regarder les établissements comme convenant mieux à sa nature et à ses inclinations.

— Ce sont de nouveaux fâcheux pressentiments pour vous, mon ami ; et je suis surpris que vous ne les ayez pas encore fait passer la revue jusqu’ici.

— C’est peut-être parce que je n’avais jamais senti combien peu je vaux avant d’avoir vu Mabel. J’ai conduit des femmes aussi belles à travers la forêt, et je les ai vues dans les périls et dans la joie ; mais elles étaient toujours trop au-dessus de moi pour que je pusse penser a elles autrement qu’à de faibles créatures que j’étais tenu de protéger et de défendre. Or, à présent, le cas n’est pas le même : Mabel et moi, nous sommes à peu près sur le même niveau, et il me semble que je suis entraîné par un poids que je ne puis soutenir, en me trouvant tellement au-dessous d’elle. Je voudrais avoir dix ans de moins, sergent, avec des traits plus avenants et plus propres à plaire à une jeune et jolie fille.

— Tranquillisez-vous, mon brave ami, et reposez-vous-en sur