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sa route sans accident. Une fois seulement, Jasper parut perdre tout son pouvoir sur son esquif, qui ne fit que tourner pendant quelques secondes, mais un effort désespéré le remit sous ses ordres ; il le fit rentrer dans le canal dont il s’était écarté, et il fut bientôt récompensé de son travail et de ses soins en voyant sa pirogue flotter sur une eau tranquille et profonde au-delà du rift, à l’abri de tout danger, et sans avoir embarqué la moindre quantité d’eau.

— Tout est fini, Mabel, — s’écria le jeune homme avec joie ; le danger est passé, et vous pouvez à présent espérer de voir votre père cette nuit même.

— Dieu soit loué ! Et c’est à vous, Jasper, que je dois ce bonheur.

— Pathfinder a le droit de réclamer une bonne part de ce mérite. — Mais où est donc l’autre pirogue ?

— Je vois quelque chose sur l’eau près de nous. — N’est-ce pas la pirogue de nos amis ?

Quelques coups de rames conduisirent Jasper près de l’objet en question. C’était bien la seconde pirogue, mais vide et sens dessus dessous. Dès qu’il se fut assuré du fait, il chercha ses compagnons. À sa grande joie, il découvrit bientôt Cap, suivant le courant à la nage, car il préférait le risque de se noyer à celui de tomber entre les mains des sauvages. Il l’embarqua, non sans peine, dans la pirogue, et ne fit pas d’autres recherches, convaincu que Pathfinder gagnerait le rivage en marchant dans l’eau, qui n’était pas très-profonde en cet endroit, plutôt que d’abandonner sa chère carabine.

Le reste du passage fut court, quoique fait dans l’obscurité. Après un court intervalle, on entendit un bruit sourd qui ressemblait à celui du tonnerre dans le lointain, auquel se joignait encore celui du bouillonnement des eaux. Jasper dit à ses compagnons que le bruit qu’ils entendaient était celui du ressac du lac. Des pointes de terre basse se présentaient devant eux, et la pirogue entrant dans une baie formée par l’une d’elles, s’arrêta sur une rive sablonneuse. Le changement qui suivit fut si grand et si précipité, que Mabel sut à peine ce qui se passait. Cependant, au bout de quelques minutes, elle avait passé devant plusieurs sentinelles, une porte s’ouvrit, et elle se trouva dans les bras d’un père qui était presque un étranger pour elle.