XLIX
SENTENCE RENDUE À PROPOS DE VACHES
ans un village vivaient un pope et un moujik ;
le premier possédait sept vaches, le second
n’en avait qu’une, encore était-elle boiteuse. Mais
un pope est naturellement convoiteur ; celui-ci
chercha un moyen de s’approprier l’unique vache
du moujik : « Cela m’en fera huit ! » se dit-il. Un
jour que les paysans, à l’occasion d’une fête, s’étaient
rendus à l’église, le pope sortit de l’altar et,
feignant de lire dans un livre ouvert devant lui,
prononça à haute voix ces mots : « Écoutez, mes
frères ! si quelqu’un donne une vache à son pasteur
spirituel, Dieu le récompensera conformément
à son infinie bonté : cette unique vache lui
en amènera sept autres ! » Notre moujik, qui se
trouvait dans la foule des fidèles, se dit en entendant
ces paroles : « À quoi nous sert notre unique vache ?
Elle ne donne même pas assez de lait pour toute
la famille ! Je vais agir comme il est dit dans
l’Écriture, je vais offrir ma vache au pope. Peut-être
que Dieu m’en récompensera ! » Dès que la
messe fut finie, le moujik revint chez lui, passa une
corde autour des cornes de sa vache et mena celle-ci
au presbytère. « Bonjour, batouchka ! » fit-il en